Sérials Killers

Ted Bundy (Article non-censuré)

Ted Bundy

Nom : Theodore Robert Cowell, puis Theodore Nelson, puis Theodore Bundy
Surnom : “Ted”, “Lady Killer” (Le tueur de femmes)
Né le : 24 novembre 1946, à Burlington (Vermont), près de Philadelphie – Etats-Unis.
Mort le : 24 janvier 1989 (éxecuté sur la chaise électrique) au pénitencier de Starke, en Floride.

Informations personnelles

La mère de Bundy, Eleanor Cowell, modeste employée dans un magasin, passa les derniers mois de sa grossesse dans une “maison pour mères non mariées” du Vermont. Elle avait 22 ans mais ses parents, très croyants, voulaient éviter le scandale, les critiques et les ennuis liés à la naissance d’un “bâtard”. À l’époque, il était inconcevable pour une “fille bien” d’avoir un enfant sans être mariée.

Bundy naquit donc Theodore Robert Cowell en 1946. Ted Bundy ne connut jamais son véritable père. Eleanor Cowell expliqua par la suite qu’il se nommait Lloyd Marshall et était vétéran de l’Air Force. Certains membres de la famille Cowell ont exprimé des doutes sur l’existence de ce Marshall et ont pointé le doigt vers le père d’Eleanor, Samuel Cowell, un homme violent et peut-être névrosé.

Peu après la naissance de Ted, sa mère et lui revinrent chez les parents d’Eleanor, à Philadelphie, qui se firent passer pour les parents du petit garçon. Ce dernier grandit en pensant que sa mère était en fait sa grande sœur. Il n’était pas franchement différent des autres enfants. Sa tante Julia (l’une de deux sœurs d’Eleanor) se souvint plus tard qu’une fois, il avait mis des couteaux sous les draps, à l’âge de 5 ans, mais ne put dire si c’était par méchanceté ou par jeu. Bundy croyait au Père Noël, n’aimait pas les épinards et avait peur des monstres sous son lit.

Quand Ted eut 4 ans, il déménagea à Tacoma, dans l’état du Washington, où sa mère s’installa chez un oncle. Ils changèrent légalement de nom. Ted devint Theodore Robert Nelson et sa mère devint Louise Nelson. Ted détesta Tacoma. Après la grande ville de Philadelphie, la petite localité de Tacoma semblait uniforme et grossière, un mélange d’affreux bâtiments gris ou bruns sortant des eaux glaciales de Puget Sound (un détroit partagé entre le Canada et les États-Unis). Il finit par surmonter ce dégoût initial, mais ne se départit jamais d’un dédain arrogant pour tout ce qu’il considérait comme “quelconque”. L’oncle de Louise, Jack, n’avait que quelques années de plus qu’elle et Bundy l’appela toujours “oncle Jack”. Il était professeur de musique à l’université de Tacoma, c’était un homme intelligent et raffiné. Bundy aimait qu’il joue du piano, il lui semblait si cultivé et si particulier. Il décida qu’il allait devenir un homme comme son oncle.

Un an après leur arrivée à Tacoma, Louise Cowell épousa un cuisinier de l’armée nommé John Bundy et Ted prit le nom de son “beau-père / beau-frère”.

L’accent du sud de John Bundy le faisait paraître un peu “balourd”, il était illettré et menait une vie simple : Ted Bundy ne l’apprécia jamais. C’était pourtant un brave homme qui travaillait à l’administration de l’hôpital des vétérans de Tacoma. John Bundy essaya d’élever Ted comme son propre fils. Il l’emmena en camping, à la pêche et à toutes les activités qui pourraient, pensait-il, les rapprocher. Sans succès. Le seul homme pour qui Ted avait du respect, à part son oncle Jack, était son “grand-père / père” de Philadelphie, pourtant violent et très autoritaire. Il avait eu de la peine lorsqu’il avait dû le quitter pour déménager à Tacoma, un endroit où il ne connaissait personne. La présence de John Bundy irritait le jeune Ted. Très attaché à sa “sœur – mère”, il était jaloux de John Bundy et craignait qu’il ne trouble son monde encore plus qu’il ne l’était.

Vers sept ou huit ans, pour échapper au malaise qu’il ressentait, il se mit à rêver, à imaginer qu’un couple de cow-boys de télévision, Roy Rogers et Dale Evans, allaient l’adopter et lui offrir un poney et tout ce qu’il voudrait… Son premier geste de défi envers John Bundy fut passif : une famille noire allait arriver dans le quartier, totalement blanc, et les gens craignaient que la valeur de leur habitation ne baisse. Ted savait que John Bundy en était particulièrement inquiet. Ainsi, lorsque la famille noire arriva, par bravade, il alla les saluer. Il devint rapidement ami avec l’un des enfants. Pour lui, cette maison était “chaleureuse et douce“. Il adorait venir lorsque la mère faisait la cuisine, car les marmites exhalaient alors des odeurs qu’il trouvait “exotiques”.

Chez lui, Ted Bundy avait l’impression qu’il lui manquait quelque chose. Il était jaloux de son cousin John, le fils du si parfait “oncle Jack” et méprisait le statut modeste de sa propre famille. Il avait honte d’être vu dans la vieille voiture de John Bundy. Il voulait toujours être habillé des plus beaux et des plus coûteux vêtements. Sa préoccupation pour les possessions matérielles s’intensifia avec l’âge.

Louise et John eurent quatre enfants dont Ted s’occupa souvent après l’école. A la naissance du 2ème enfant, ils déménagèrent dans une maison plus grande. Bundy se fit de nouveaux amis, avec qui il allait jouer après l’école. Un jour qu’ils jouaient à la guerre avec des bâtons en bois, l’un de ses amis le frappa sans le vouloir juste sous l’œil. Ted Bundy se jeta soudainement sur son ami et le frappa. Les autres garçons durent le tirer en arrière de toutes leurs forces pour le faire cesser. Cet événement resta dans la mémoire de Terry Storwick, le meilleur ami de Ted parce que, selon lui, Bundy « se détachait toujours des événements. Alors c’était quelque chose de le voir impliqué dans quelque chose. Lorsqu’il a reçu ce truc dans l’œil, il s’est impliqué ».

Ted Bundy se bagarra aussi avec d’autres garçons. Chez les scouts, il jeta son assiette au visage d’un autre scout parce que celui-ci avait coupé un petit arbre. Un autre jour, il frappa un garçon par derrière avec un bâton, juste pour voir ce que ça lui ferait.

C’était Louise et non John qui s’occupa de l’éducation des enfants, mais elle ne leur parlait jamais de sujet vraiment personnel. Selon Bundy, elle ne lui parla jamais du sexe ni d’autres choses du même genre. Elle avait du mal à aborder les sujets intimes et personnels. Elle était assez renfermée. Elle ne parlait jamais de son enfance, excepté le fait qu’elle avait grandi dans la maison de ses “grands-parents” et qu’elle avait été excellente à l’école. Ted Bundy voulut être aussi bon qu’elle.

Adolescent, Bundy était très timide. On se moquait souvent de lui et il était le souffre-douleur de certains gamins au collège. Malgré les humiliations qu’il subit, il parvint à maintenir une bonne moyenne au collège puis au lycée. Personne ne se souvint qu’il soit sorti avec une fille à l’époque. Il était assez solitaire. Il aimait passer du temps à écouter les émissions de radio, le soir, et s’imaginait être le présentateur qui posait les questions et discutait avec les personnes qui appelaient.

En grandissant, il devenait un grand et beau jeune homme. Mais la maturité mentale, elle, ne venait pas, et ne viendrait jamais. Il était très narcissique et se considérait trop maigre pour entrer dans une équipe sportive. Il essaya néanmoins le basket-ball et le base-ball, mais ne parvint pas à briller au milieu des autres, ce qui le contraria beaucoup. Il se tourna alors vers les sports solitaires et découvrit qu’il adorait skier. Il parvint à obtenir un équipement de qualité (il l’avait en fait volé) et s’entraîna sérieusement. Il allait à l’église tous les dimanches, était vice-président de l’Amicale des Jeunes Méthodistes et voulait devenir policier ou avocat. Il avait “un bel avenir devant lui”.

C’est à peu près à cette époque que Bundy découvrit que sa “grande sœur” était en fait sa mère et que ses “parents” étaient en fait ses grands-parents. Ce fut pour lui un énorme choc. Il existe plusieurs versions de cet incident. Bundy a expliqué qu’il fouillait dans les papiers de sa “sœur” lorsqu’il découvrit un certificat de naissance sur lequel “inconnu” était écrit en face de “nom du père”. Il fut troublé mais décida que c’était l’occasion pour lui de se faire un nom et de devenir quelqu’un.

Mais sa famille raconta l’événement de manière différente. Le cousin de Ted, le fils de l’oncle Jack, lui affirma qu’il était un enfant illégitime. Ted refusa d’abord de le croire mais le cousin lui présenta son certificat de naissance. Bundy ressenti beaucoup de colère envers sa mère (il pensait qu’elle l’avait humilié) mais l’exprima peu. Quoi qu’il en soit, il en parla à l’un de ses meilleurs amis, qui lui répondit : “En fait, il m’a toujours semblé que tu avais été adopté ou quelque chose comme ça… Mais il y a des gens qui t’aiment maintenant. Ce n’est pas grave“. Ce à quoi Bundy répondit que cela faisait une grande différence, pour lui. C’était très important. Il l’exprima amèrement : “Ce n’est pas toi qui es un bâtard”.

À la suite de cette découverte, l’attitude de Ted envers John Bundy se durcit et il se rebella. Il refusa de l’appeler “Papa” alors qu’il l’avait fait durant des années. Il commença à l’appeler “Père”, puis “Johnnie”. Étant plus intelligent que John, Ted se moquait ouvertement de lui et John Bundy finissait par le gifler.

LA NAISSANCE DU PSYCHOPATHE

Le premier signe de problèmes sérieux chez Ted Bundy fut un arrêt complet et soudain de son développement social. La plupart ne s’en rendirent pas compte, mais cela fut très douloureux pour lui. Ses amis semblaient avancer, s’améliorer, gagner en maturité, et pas lui. Ses amis proches le trouvaient pourtant intelligent et plein d’humour. Mais il n’avait pas assez confiance en lui pour en profiter. Lorsqu’il rencontrait des personnes qu’il ne connaissait pas, fille ou garçon, il se crispait et ne disait plus un mot. Les gens qui ne le connaissaient pas ne faisaient donc pas attention à lui et Bundy, adolescent sensible, le prit très mal.

De plus, le sexe le rendait perplexe. Lorsque ses amis parlaient des filles, Bundy écoutait sans comprendre.

Il ne se sentait à l’aise que lorsqu’il skiait ou en classe. Dans la salle de classe, il parlait devant tout le monde. Comme il s’exprimait bien et cultivait une image sérieuse pour cacher sa solitude, il était considéré comme un travailleur cultivé par les autres lycéens. Et pourtant, ses notes étaient plutôt bonnes, mais pas excellentes. Il obtint son bac avec une moyenne juste assez correcte pour être admis à l’université de Puget Sound.

Durant sa première année à l’université, il vécut encore chez sa mère et ne s’intégra pas à la vie sociale du campus. Il fut encore plus solitaire qu’au lycée, car ses amis n’étaient plus là. Il déclina la proposition qu’on lui fit de joindre une “fraternité” car il se sentait humilié en présence de “frères” confiants et énergiques. «Je ne me sentais pas assez adroit socialement. Je ne savais pas comment fonctionner avec ces gens. Je me sentais terriblement mal à l’aise». Il ne se fit pas de nouveaux amis. Il tenta, comme il l’avait fait au lycée, de prendre la parole en classe pour se faire remarquer, mais les cours à l’université avaient lieu dans de grands amphithéâtres et ne donnaient pas vraiment l’occasion de parler.

Puis un jour, il participa à une conférence sur la Chine et comprit immédiatement que ce domaine pourrait lui apporter l’attention des autres. Il ne réfléchit pas à la quantité de travail que ce sujet pourrait lui demander. Ted pensait que la langue chinoise était exotique et élégante.

A la rentrée suivante, il obtint son transfert à l’Université du Washington, à Seattle, dans le programme d’études asiatiques. Là encore, il ne se joignit à aucune fraternité mais prit une chambre en résidence universitaire. Il paya ses études grâce à un chapelet de “petits boulots” qu’il ne tint jamais bien longtemps. Certains de ses employeurs pensaient que l’on ne pouvait pas compter sur lui.

Autant il manquait de sérieux pour ces jobs d’étudiants, autant il se concentrait énormément sur ses études et fut capable d’obtenir de très bonnes notes. Comme il l’avait voulu, sa nouvelle spécialité le mit à part de la population estudiantine et le fit remarquer. Il plongea dans les arcanes des idéogrammes, réussit son année et se fit quelques nouveaux amis.

Il commença à fabriquer “le nouveau Ted” : érudit, intelligent, spirituel, sérieux, sage et… beau garçon

Durant l’été 1966, il rencontra une jeune femme du nom de Stephanie Brooks. Elle était belle, sophistiquée et venait d’une riche famille californienne. Bundy avait du mal à croire qu’une fille comme elle puisse s’intéresser à lui. Elle était d’une classe sociale que Bundy admirait et enviait. Elle savait ce qu’elle voulait. Elle était en fait tout ce qu’il avait toujours voulu devenir. Bundy la présenta à ses amis comme une possession. Ils étaient fort différents l’un de l’autre, mais adoraient tous les deux skier et c’est durant leurs nombreuses ballades à ski qu’ils tombèrent amoureux l’un de l’autre. A 20 ans, Ted n’était pas plus sexuellement avancé qu’au lycée. Il ne fit pas d’avances à Stephanie, se contentant d’être charmant. Stephanie Brooks fut le premier “grand amour” de Bundy. Ils passèrent beaucoup de temps ensemble, à se promener ou à dîner aux chandelles. Toutefois, Stephanie n’était pas aussi folle de Ted qu’il l’était d’elle. En fait, elle l’aimait beaucoup mais pensait qu’il manquait d’ambition. Elle voulait quelqu’un qui corresponde à son style de vie et elle ne pensait pas que Ted fut cette personne. Il essaya pourtant de l’impressionner, quitte à mentir, ce que Stephanie détestait.

Après son année à l’université d’état du Washington, il entra à la prestigieuse université de Stanford, en Californie, où il s’inscrivit dans un programme d’étude intensive de Chinois. Il le faisait surtout pour impressionner Stephanie, qui était resté à Seattle, mais ce fut une erreur. Il se retrouva encore plus seul qu’il ne l’avait été à l’Université de Puget Sound, car il n’avait même plus sa famille auprès de lui. Il avait le mal du pays et ses résultats s’en ressentirent. Il s’était fixé des standards de réussite calqués sur la vie de Stephanie Brooks et il ne pouvait pas les atteindre. Son immaturité fut mise à jour; une expérience particulièrement douloureuse pour lui car il échouait ainsi dans le seul domaine – les études – qui avait toujours été son refuge.

Durant l’été 1967, Stephanie mit fin à leur relation. Elle avait compris que ce qu’elle avait pris pour de l’immaturité était en fait une grande puérilité. Elle s’était lassée de son attitude flagorneuse et de ses mensonges.

Bundy ne s’en remit jamais. Son monde s’écroulait.

Il ne parvint pas à comprendre ce qui lui était arrivé, pourquoi le masque qu’il avait utilisé l’avait fait échouer. Sa première tentative d’incursion dans le monde sophistiqué de Stephanie Brooks avait été un désastre. Bundy s’isola à nouveau, déprimé. Il abandonna les études de chinois et, simplement parce que Stephanie avait dit un jour qu’elle admirait le rôle d’un architecte dans un film, il s’inscrivit à l’université de Washington, en architecture. Mais il n’y avait plus de place, alors il choisit la planification urbaine, mais échoua là aussi. Il tenta de se concentrer et de suivre les cours mais il s’ennuyait et avait l’esprit ailleurs. Il eut des notes exécrables et eut l’impression que l’ambiance de l’université lui était devenue hostile. Rien ne sembla plus le passionner et il finit par abandonner l’université, complètement déprimé par sa rupture avec Stephanie.

Il parvint à rester en contact avec elle après qu’elle soit retournée en Californie, mais elle lui fit comprendre qu’elle n’avait pas l’intention de ressortir avec lui. Ted Bundy était obsédé par elle et ne parvint pas à la chasser de son esprit.

Il emprunta de l’argent et décida de voyager un peu. Il alla en Californie, à la station de ski d’Aspen dans le Colorado, et alla voir ses grands-parents à Philadelphie. Il revint à Seattle au printemps 1968, mais ne se sentit pas capable de reprendre ses études. Il trouva un appartement et un emploi de manutentionnaire.

Il rencontra un dénommé Richard, un petit voyou qui le fascina. A 21 ans, il n’avait jamais rencontré de voleur ni de drogué et Richard représentait pour lui la possibilité d’une excitation illicite. Le vol, particulièrement dans les magasins, vint presque naturellement à Bundy. Le petit garçon en lui voulait des choses, des choses coûteuses, celles que les gens riches possèdent, et Bundy n’avait pas les inhibitions d’un adulte. De plus, le vol était pour lui une aventure, un jeu amusant et grisant.

Bundy n’était pas un voleur “classique”. Il ne prenait pas d’argent ni d’objets pour les revendre. Son besoin de voler avait quelque chose d’impulsif, proche de la kleptomanie, et il avait du mal à s’en empêcher. Il ne fut pourtant jamais arrêté, fait surprenant lorsque l’on connaît le nombre de vol qu’il a commis, et la manière dont il procédait. En fait, il comptait sur l’anonymat. Lorsqu’il avait décidé qu’il voulait un objet, il mettait un beau costume et se coiffait, afin de paraître présentable et “oubliable”, buvait 2 ou 3 bières pour faire disparaître les dernières traces de nervosité, puis allait dans le magasin. Il entrait dans un magasin, prenait ce qu’il voulait et s’en allait, tout simplement. Plutôt que de les acheter, il vola une télévision, une chaîne hi-fi, des meubles, des instruments de cuisine, des vêtements et des objets d’art.

À la même époque, Bundy rencontra un ancien ami du lycée. Celui-ci lui proposa de travailler pour Art Fletcher, un conseiller municipal républicain qui avait l’intention de devenir gouverneur. D’autres amis travaillaient déjà pour lui. Bundy sauta sur l’occasion. Une partie de lui était un petit voleur solitaire, mais l’autre partie était un fervent Républicain : au lycée, il avait reçu un prix pour un discours prononcé lors d’une convention et à la fac, il avait déjà participé à la campagne d’un membre républicain du congrès. Il avait adoré ça. Il pouvait utiliser ses talents de beau parleur, être écouté et accepté, être invité à dîner ou à jouer au tennis, avoir accès à des gens d’une classe sociale “supérieure”…

Bundy abandonna son emploi de manutentionnaire et travailla à temps plein sur la campagne de Fletcher. Il dut se serrer la ceinture mais ne le regretta pas. A cette époque, beaucoup de jeunes gens participaient au mouvement pour la paix au Vietnam. Bundy, au contraire, était très conservateur et totalement dévoué à l’establishment. Il ne désirait pas défendre les étrangers, les expropriés ou les pauvres. A l’automne, il fut nommé chauffeur officiel d’Art Fletcher. Une nuit, ils allèrent faire campagne à l’est de l’état et Bundy se saoula dans le bâtiment officiel du parti. Lorsqu’il buvait, c’était d’ailleurs souvent pour se saouler. On le ramena chez quelqu’un pour qu’il dorme, presque inconscient. Selon lui, la femme qui habitait cette maison lui enleva sa virginité ce soir-là, à 22 ans.

Art Flecher arriva second lors de l’élection de novembre et Bundy, à sa grande déception, dut revenir à la vie normale. Durant la campagne, il avait observé le comportement des gens et avait acquis machinalement les compétences sociales qu’il ne possédait pas naturellement. Il avait mûri et avait pris de l’assurance. Il prenait grand soin de son apparence et s’habillait avec de beaux vêtements qu’il avait volés.

Le masque prenait lentement forme. Bundy trouva un emploi dans un magasin de Seattle, où il avait volé sans que le propriétaire ne le sache. Il y apprit qu’il possédait un autre talent : il amenait facilement les femmes à lui parler et il pouvait leur vendre n’importe quoi.

Il vendit sa Coccinelle 1958 et partit pour Philadelphie, où il s’installa temporairement chez ses grands-parents.

Il s’inscrivit à l’université de Temple et obtint des résultats mitigés. Il ne termina jamais un diplôme en urbanisme et fut moyen au cours de théâtre. Par contre, il apprit bien des choses sur l’art de la comédie et du maquillage. Son visage devint tout à fait neutre, sans aucune caractéristique particulière. Tout comme la personnalité qu’il était en train de créer, son visage pouvait être tout ce qu’il voulait qu’il soit. Une moustache, une barbe, une coiffure différente, une perte ou un gain de poids, un détail pouvait totalement changer son apparence. Il pouvait être aussi anonyme qu’il le voulait.

Il revint à Seattle durant l’été 1969 et prit une chambre d’étudiant chez Ernst et Frieda Roger. Ces derniers l’apprécièrent immédiatement. Il était poli, sa chambre était toujours propre, il aidait Ernst à bricoler dans la maison et accompagnait Frieda au magasin. Pour eux, c’était un jeune homme adorable.

Leur maison était située non loin d’un bar à bière fréquenté par les étudiants. Une nuit, en septembre, Bundy y rencontra une jeune femme de 24 ans dénommée Meg Anders. Elle était secrétaire médicale et divorcée. Mignonne mais timide, ses amis l’avaient amenée là pour s’amuser un peu. Elle trouva Ted Bundy charmant.

Il se présenta comme un étudiant en droit et affirma qu’il travaillait sur un livre concernant le Vietnam. Elle ne le crut pas tout à fait, mais il était tellement séduisant et sûr de lui qu’elle le ramena chez elle avant la fin de la soirée. Mais comme ils avaient tous deux beaucoup bu, ils s’endormirent tout habillés. Le lendemain, la fille de Meg Anders les réveilla. Ted fut enchanté de la voir, mais Meg lui fit comprendre qu’elle préférait qu’il parte. Il le fit.

Il voulut la revoir presque immédiatement. Il l’idéalisa comme il l’avait fait avec Stephanie Brooks. Meg Anders avait subi un mariage et un divorce douloureux, et elle se méfiait des hommes. Elle était jalouse et les flirts de Ted avec d’autres femmes n’arrangèrent pas les choses. Ne connaissant rien à l’amour adulte et au respect, Bundy fit semblant d’être l’homme qu’elle voulait. Il créa le Bundy étudiant en droit qui écrivait un livre alors qu’en fait, il n’avait jamais réussi à terminer ses études. Comme un enfant, il ne pouvait prévoir les conséquences de ses mensonges, tout comme il ne comprenait pas que son comportement puéril lui avait coûté Stephanie Brooks.

Trois mois après avoir rencontré Meg Anders, ils commencèrent à parler mariage et en discutèrent avec des amis. Lorsqu’il ne fut plus capable de soutenir ses mensonges, Ted Bundy déclara à Meg qu’il était bien trop tôt pour se marier. Puis, il lui avoua qu’il lui avait menti. Elle lui pardonna. Meg Anders voyait Bundy très souvent. Il venait chez elle, ils faisaient l’amour, partaient en excursion avec sa fille, allaient voir sa mère, se téléphonaient constamment… Et pourtant, elle ne parvenait pas à voir derrière le masque. Elle l’aimait vraiment, il l’aveuglait, elle rationalisait ses mensonges et répondait à ses cruautés par de la douceur. On peut penser qu’il est improbable qu’une femme soit aveugle à ce point. Mais la mère de Bundy ne vit rien non plus, ni les responsables des magasins qu’il volait, ni ses nombreux amis républicains.

Ted Bundy avait de plus en plus de choses à cacher. Il avait acquis un énorme appétit pour la pornographie violente. Il se promenait dans son quartier, la nuit, pour regarder à travers les fenêtres des étudiantes et, parfois, voler des objets.

Il subissait également des dépressions cycliques. “Tout ce que je voulais, c’était rester là et passer le plus de temps possible à ne rien faire. Et pourtant, j’étais capable d’être réellement joyeux et amical, au moins pour une période de temps limité. Je suis devenu un expert pour projeter quelque chose de différent de ce que j’étais vraiment. Il y avait une grande part de ma vie que personne ne connaissait. Ca ne m’a pas demandé d’efforts, pas du tout“.

Ted Bundy avoua à Meg qu’il n’avait pas sa licence en droit et elle lui donna de l’argent pour qu’il s’inscrive et reprenne ses études. Elle l’aida à se lancer dans une autre branche, la psychologie. Il s’y inscrivit “probablement comme une excroissance de ma confusion au sujet de moi-même“. Durant le semestre d’été 1970 à l’université de Washington, il se plongea intensément dans ses études. Il eut de très bonnes notes et écrivit un article sur la schizophrénie qui lui valut les félicitations de ses professeurs. Il se sentait renaître. La dépression disparut, mais il ne put s’empêcher de continuer à errer la nuit et à voler.

Il obtint un autre emploi dans le programme d’étude d’une “clinique de crise”, notre “SOS détresse” (c’est là qu’il rencontra Ann Rule, une ex-flic qui allait par la suite écrire un livre sur lui). Une nuit par semaine, il prenait les appels de personnes suicidaires, solitaires ou démentes. Au moins une fois par mois, une personne téléphonait alors qu’elle avait déjà pris une dose mortelle de médicaments ou s’était coupé les veines. Bundy continuait à lui parler pour que le numéro puisse être repéré, jusqu’à ce que la police parvienne chez cette personne. Il était surtout sensible aux femmes. “J’avais les meilleurs résultats avec les femmes qui étaient seules ou avaient été abandonnées par leur mari ou leur copain. Je sentais qu’elles étaient vraiment blessées. Elles appelaient parce qu’elles étaient seules et avaient sincèrement besoin de quelqu’un“. Cela peut paraître innocent et même généreux de sa part, mais les experts pensent que c’est là que Bundy a développé le ton de voix calme, poli et rassurant qu’il allait par la suite utiliser pour attirer ses victimes dans ses filets.

Au printemps 1972, Bundy obtint son diplôme de psychologie. Il avait toutefois décidé qu’il voulait devenir… avocat. Ses notes étaient bonnes, mais malgré des heures de préparation, les résultats de son “test d’aptitude à l’école de droit”, indispensable pour être admis, furent médiocres. Il eut des notes catastrophiques en grammaire. Aucune école de droit n’accepta sa candidature et il se sentit terriblement humilié.

Il abandonna son emploi à la “clinique de crise” en mai 1972 et fut embauché à l’hôpital psychiatrique Harborview de Seattle grâce à une bourse fédérale. Il y soignait les patients qui vivaient chez eux, mais venaient passer quelques heures à l’hôpital quotidiennement.

Il continua à cloisonner sa vie avec Meg Anders et eut une aventure avec une collègue de l’hôpital. Selon cette dernière, il était souvent froid et presque abusif avec ses patients. Il n’était pas un bon conseiller. On le soupçonna même d’appeler les patients la nuit, chez eux, pour les menacer et leur faire des avances sexuelles. Sa collègue raconta à un ami qu’un soir, alors qu’il faisait l’amour, Bundy avait pressé son avant-bras sur sa gorge pour l’étrangler et elle avait dû le repousser. C’était volontaire, il aurait pu la tuer, et ça l’avait terrifiée.

Bundy l’emmenait parfois faire de longues balades en voiture à travers les collines derrière le lac Sammamish. Il lui avait dit chercher la maison d’une tante, mais ne lui avait jamais décrit ni l’habitation, ni la tante… Ils utilisaient sa voiture à elle, pas la sienne. Bundy fit également des randonnées avec son cousin John dans la Taylor Moutain.

Bundy se sentait inutile, faible et impuissant à Harborview. Ses patients lui renvoyaient souvent une image de sa propre vie. Il en conclut que la psychologie ne servait à rien et ne pouvait guérir les gens.

A son grand soulagement, 1972 fut une nouvelle année électorale. Il rencontra des amis de la campagne d’Art Fletcher et, grâce à eux, il travailla dans la campagne de réélection du gouverneur républicain Dan Evans. Les jeunes femmes qui travaillèrent avec lui furent fascinées par son allure, ses coûteux vêtements et ses belles manières. Il flirta avec plusieurs d’entre elles. Il était toujours poli avec ses supérieurs et impressionnait certains vétérans de l’équipe du gouverneur par son dévouement et sa compréhension de la politique.

C’est cette image de Ted Bundy, le jeune homme intelligent et sympathique, que les gens ont gardée de lui.

Mais tout n’allait pas si bien et Meg Anders commençait sérieusement à s’interroger. Un jour, il menaça de «briser son putain de cou» si elle racontait qu’il était un voleur. Ce même soir, il vint chez elle pour prendre un pied-de-biche qu’il avait laissé sous un radiateur. Elle vit un gant chirurgical dépasser de sa poche. Une autre nuit, elle s’était réveillée parce que Ted examinait son corps avec une lampe de poche sous les draps. Plus tard, il tenta de la convaincre de pratiquer la sodomie, ce qu’elle refusa catégoriquement. Elle l’avait parfois autorisé à l’attacher avant qu’ils fassent l’amour. Il utilisait ses collants et elle avait remarqué qu’il les avait trouvés immédiatement dans sa commode, sans qu’elle ait besoin de lui indiquer où ils étaient…

Toutefois, il pouvait aussi être gentil et tendre. Durant cette période, Meg Anders semble avoir été plus préoccupée par la possible perte de Ted à cause de ses amis républicains ou de ses flirts, plutôt que par l’altération de son comportement.

Après l’élection, Bundy tenta de nouveau d’être admis dans une école de droit. Cette fois, il y parvint : il avait joint à sa candidature une lettre du gouverneur Evans et une critique de ses derniers tests comme étant «inappropriés». Il fut accepté à l’école de droit de l’université de l’Utah pour la rentrée de septembre 1973.

Avec l’aide d’amis républicains, il trouva un emploi au département judiciaire du comté de King. Il devait étudier la récidive parmi les personnes reconnues coupables de délits mineurs dans les cours de justice du comté. Il eut accès à tous les dossiers, les rapports de police, les décisions des juges. Durant des semaines, il lut des centaines de rapports d’arrestations, notant avec intérêt à quel point était mauvaise la coopération et la coordination entre les différentes polices et les diverses juridictions judiciaires. Il fut étonné de trouver des rapports montrant que certaines arrestations n’avaient jamais abouti à un procès. Des criminels ayant été arrêtés plusieurs dizaines de fois passaient malgré tout entre les mailles du filet.

En mai 1973, il alla travailler à Olympia pour Ross Davis, le nouveau dirigeant du comité central républicain de l’état du Washington. Durant l’été, il rencontra Marlin et Sheila Vortman, qui avaient participé à la campagne d’Art Fletcher. Marlin étudiait le droit et persuada Bundy de s’inscrire à la nouvelle école de Droit de l’université de Puget Sound afin de rester dans l’état du Washington. Selon Marlin, cette école lui permettrait de rencontrer des hommes de loi locaux et conviendrait mieux à un homme ayant des ambitions politiques. Bundy passa le concours et fut accepté à l’école de droit où il s’inscrivit pour les cours du soir. Plutôt que de faire savoir à l’université de l’Utah qu’il avait changé d’avis, il inventa une histoire d’accident de voiture.

Bundy exclut presque totalement Meg Anders de cette partie de sa vie. Davis ne savait même pas qu’elle existait et Meg n’appréciait pas les Vortman car elle pensait, avec raison, qu’ils avaient plus d’influence qu’elle sur les décisions de Bundy.

En juillet 1973, lors d’un voyage d’affaires à San Francisco avec des membres du parti républicain, Bundy tomba sur… Stephanie Brooks. Elle fut abasourdie par la transformation de son ex-petit ami. Il était bien plus mûr et sûr de lui que le Bundy de 1968. Ils étaient restés en contact, s’appelant de temps à autre, mais elle réalisait seulement à quel point il avait changé. Il possédait une sorte de magnétisme et il agissait différemment. Même son apparence physique s’était modifiée. Bundy réalisait un fantasme. Il avait patiemment créé son apparence extérieure pour qu’elle convienne aux attentes de Stephanie et il parvint à la convaincre qu’il avait également changé à l’intérieur. Il s’en persuada lui-même, à tort. Il revint à Seattle avec le nouveau numéro de téléphone de Stephanie en poche.

À la fin de l’été 1973, il acheta une nouvelle voiture, une coccinelle 1968 couleur bronze et commença son année à l’université avec de grands espoirs.

Ni Meg, ni Stephanie, ni sa famille, ni ses amis ne s’aperçurent du fait que Bundy essuya immédiatement un échec complet à l’école de droit. Huit ans après sa première inscription à l’université de Puget Sound, il s’attendait à trouver des gens travailleurs et exigeants comme lui. Mais il ne rencontra que des jeunes plus ou moins débraillés et peu motivés. L’école de droit n’était pas non plus la citadelle recouverte de lierre à laquelle il s’attendait ; c’était une petite école hébergée temporairement dans un bâtiment officiel anonyme de Tacoma. Bundy fut scandalisé. Il ne se formalisait pas de subsister grâce à des aides du chômage, mais il avait l’impression que cette école “de seconde classe” était une humiliation pour lui. Strictement figé sur cette image et émotionnellement incapable d’avoir une vue plus générale de sa situation, il ne fit pas beaucoup d’efforts. Il se retrouva rapidement dernier de la classe, incapable de comprendre ce que ses professeurs tentaient de lui enseigner. Il répétait son désastre des études chinoises de 1967.

L’automne et l’hiver 1973 furent une période douloureuse pour lui. En décembre 1973, il se réinscrivit secrètement à l’université de droit de l’Utah.

Peu avant Noël 1973, Bundy se retrouva seul. Meg Anders était partie voir sa famille et il ne l’avait pas accompagnée. Il appela Stephanie Brooks, qui décida de passer les vacances avec lui dans l’état du Washington. Il ne lui avait jamais parlé de Meg Anders et elle ne savait finalement pas grand-chose du “nouveau Ted”. Comme Marlin et Sheila Vortman étaient à Hawaï, Bundy passa une semaine chez eux avec Stephanie. Il parvint si bien à jouer l’homme parfait que Stephanie Brooks retomba amoureuse de lui et commença à parler mariage. Il la manipula comme il avait souvent manipulé Meg. Stephanie repartit en Californie en pensant qu’ils allaient bientôt se fiancer. La faculté de Ted à compartimenter sa vie avait de nouveau fonctionné. Il alla directement chez Meg après avoir laissé Stephanie à l’aéroport.

Mais Bundy ne rappela pas Stephanie, comme si soudainement, il ne s’intéressait plus à elle. Il espérait qu’en ignorant la situation, elle s’arrangerait d’elle-même, que Stephanie Brooks l’oublierait et le laisserait tranquille.

Crimes et châtiment

L’après-midi du 4 janvier 1974, les amies de Joni Lenz (parfois appelée Sharon Clarke, peut-être un pseudonyme), qui ne l’avaient pas vue de toute la matinée, frappèrent à la porte de sa chambre, dans une maison qu’elle partageait avec d’autres étudiantes. Elle était allongée sur son lit, couverte de sang. L’un des barreaux du lit avait été arraché. Son agresseur l’avait violemment frappée à la tête et avait sauvagement enfoncé le barreau en elle, provoquant une hémorragie interne. Elle fut conduite à l’hôpital et resta un moment dans le coma, souffrant de lésions cérébrales et internes qui allaient l’affecter pour le restant de ses jours. Joni Lenz fut l’une des rares victimes ayant survécu à une agression de Ted Bundy. Elle sortit du coma au bout d’une semaine, mais fut malheureusement incapable de fournir le moindre renseignement aux enquêteurs.

Lorsque Lynda Ann Healy, une étudiante de 21 ans, ne vint ni travailler ni déjeuner le 31 janvier 1974, ses amis et sa famille s’inquiétèrent. Ses parents appelèrent immédiatement la police. Les enquêteurs fouillèrent la chambre de Lynda Ann et tirèrent les draps du lit : le matelas était imbibé de sang. Ils découvrirent également une chemise de nuit tachée de sang, accrochée dans la penderie. Il n’y avait aucun autre indice, aucune preuve qui aurait pu aider à savoir où était la jeune femme. Mais la manière d’agir de l’agresseur inquiéta les policiers : il aurait pu la violer et/ou la tuer sur place, mais il avait sûrement assommé Lynda, lui avait enlevé sa chemise de nuit, lui avait passé d’autres vêtements, avait refait le lit, et l’avait emmenée avec lui. Il avait pris tout son temps et avait agi avec beaucoup de sang-froid.

En février, Stéphanie Brooks appela Bundy pour lui demander pourquoi il ne l’avait pas recontactée. Il ne s’excusa pas, il n’offrit aucune explication. Dans sa colère, elle lui cria qu’elle ne voulait plus le revoir. Il répondit calmement que c’était exactement ce qu’il voulait et raccrocha. Il cessa tout contact avec elle. Il s’était tout simplement vengé. Il l’avait rejetée comme elle l’avait rejeté. Stéphanie Brooks ne revit jamais Ted Bundy.

Bundy continua à suivre les cours de l’école de droit de Puget Sound. Il passait beaucoup de temps dans la librairie de l’école, mais pas pour y lire des ouvrages de droit. Il s’asseyait et rêvassait, fantasmait durant des heures. Il recommença à déprimer et à se renfermer sur lui-même. Il s’inventait des raisons compliquées qui expliqueraient l’écart entre son désir de réussir et la triste réalité, mais gardait ses sombres pensées secrètes. Il parvenait très bien à entretenir la supercherie.

Au printemps, il annonça qu’il s’était réinscrit à l’université d’Utah et expliqua qu’il irait à Salt Lake City à la rentrée 1974, au grand désespoir de Meg Anders.

Durant le printemps et l’été 1974, sept jeunes étudiantes disparurent sans explication dans les états de Washington et d’Oregon :

Donna Gail Manson, 19 ans, une excellente flûtiste quelque peu dépressive, disparut le 12 mars 1974 sur le campus d’Evergreen. Comme ses amis savaient qu’il lui arrivait de partir sans prévenir lors de ses accès de dépression, six jours passèrent avant que la police ne soit alertée.

Susan Rancourt, 18 ans, jolie blonde, étudiante en biologie, était une bûcheuse et voulait payer ses études elle-même. Elle s’était rendue à un entretien d’embauche et allait retrouver des amis au cinéma, le 17 avril 1974 lorsqu’elle disparut sur le chemin.

Robertha Kathleen Parks, 22 ans, étudiante en théologie, était déprimée. Elle venait de se séparer de son petit ami et son père avait eu une crise cardiaque. Elle disparut le 6 mai 1974, alors qu’elle allait rejoindre des amis de l’université de l’Oregon pour se changer les idées.

Brenda Ball, 22 ans, était une jeune femme “libre”. Elle aimait la musique et s’était rendue au bar de l’aéroport de Seattle, le 1er juin 1974 pour y écouter un groupe. Elle disparut après avoir discuté avec un jeune homme qui avait un bras dans un plâtre. Comme il lui arrivait de voyager sur un coup de tête, ses amis ne s’inquiétèrent que 19 jours après sa disparition.

Georgann Hawkins, 18 ans, une excellente étudiante de l’université de Washington, était sortie s’amuser avec des amies. En revenant à son dortoir, elle voulut souhaiter une bonne nuit à son petit ami. Elle disparut le 10 juin 1974, sur le chemin entre les deux résidences.

Janice Ott, jolie blonde de 23 ans, était officier de probation pour le service des mineurs du comté de King. Elle était mariée depuis 1 an et demi, mais son mari vivait en Californie. Il lui manquait et, pour se changer les idées, elle était allée se promener dans le parc du lac Sammamish le 14 juillet 1974. Elle disparut après avoir parlé à un jeune homme portant un plâtre.

Denise Naslund, 19 ans, étudiante en informatique, s’était elle aussi rendue au parc du lac Sammamish le 14 juillet 1974 pour y manger des hot-dogs avec son petit ami. Elle alla aux toilettes et ne revint jamais.

Ces jeunes femmes étaient toutes blanches, minces, portaient un pantalon au moment de leur disparition, avaient des cheveux longs séparés par une raie au milieu, et avaient toutes disparues en fin d’après-midi ou le soir.

La police interrogea des étudiant(e)s du campus de l’université de Washington qui parlèrent d’un «jeune homme étrange» qu’ils avaient vu, portant un plâtre, soit au bras, soit à la jambe. Il semblait avoir du mal à porter ses livres et demandait aux jeunes femmes de l’aider. D’autres témoins, interrogés dans le parc du lac Sammamish, parlèrent d’un «jeune homme étrange» portant lui aussi un plâtre et qui avait demandé de l’aide pour attacher sa planche à voile sur le toit de sa voiture, une Coccinelle.

Au moment des disparitions, Meg Anders vit Bundy moins souvent. Un soir, il l’invita à dîner. Ils revinrent ensuite chez elle et là, Bundy insista pour enlever son porte-ski du toit de sa Coccinelle pour le remettre sur la voiture de Meg.

Alors que Bundy menait toujours une relation de couple avec Meg, il rencontra une autre femme, Carole Boone. Elle travaillait elle aussi pour le comité central républicain de Washington, venait de divorcer, élevait seule son fils et avait une relation difficile avec un homme désagréable. C’était une femme intelligente et dynamique qui avait du caractère. Elle trouva Bundy «timide, digne et modéré». Ils sortirent ensemble, mais leur relation fut tout de suite amicale plus qu’amoureuse. Carole remarqua que la santé de Bundy se détériorait. En août, il perdit plusieurs kilos. Elle attribua cela à un excès de travail et de stress. Elle remarqua également que Meg Anders l’appelait souvent et qu’ils se disputaient. Bundy et Meg traversaient une autre crise dans leur couple. Elle voulait qu’il s’engage envers elle avant de partir étudier dans l’Utah, car elle craignait que leur relation ne s’arrête lorsqu’il allait rencontrer de nouvelles personnes, de nouvelles femmes. Elle avait découvert un sac de vêtements féminins dans son appartement et son ardeur sexuelle diminuait progressivement depuis le printemps. Son comportement changeant commençait à l’effrayer.

Le 6 septembre 1974, les corps de certaines des jeunes femmes disparues furent découverts à 3km à l’est du parc d’état du lac Sammamish, dans l’état de Washington. Les corps étaient en très mauvais état mais la police parvint à en identifier deux, ceux de Janice Ott et Denise Naslund. Les dernières personnes qui avaient vu Janice Ott, un couple qui pique-niquait non loin d’elle, se rappelèrent d’un beau jeune homme portant un plâtre qui lui avait parlé. D’après ce qu’ils avaient compris, son nom était Ted et il avait du mal à attacher sa planche à voile sur le toit de sa voiture à cause de son bras cassé. Il avait demandé à Janice de l’aider et elle avait accepté.

Quant à Denise Naslund, elle passait l’après-midi avec son fiancé et des amis. Elle est partie aux toilettes et n’est jamais revenue. Ce jour-là, un beau jeune homme portant un plâtre avait demandé de l’aide à plusieurs jeunes femmes. Denise Naslund était une fille sympathique qui aurait sûrement aidé quelqu’un en difficulté…

Des témoins avaient vu un beau jeune homme brun à l’endroit où quasiment toutes les jeunes femmes avaient disparu et permirent d’établir un portrait-robot de celui qui se faisait appeler “Ted”.

Ses collègues du comité républicain plaisantèrent au sujet de Bundy, le taquinant sur le fait qu’il s’appelait justement “Ted”, ressemblait au portrait-robot et possédait une Volkswagen. Cela ne le fit pas franchement rire.

L’UTAH, SALT LAKE CITY

Quelques jours plus tard, Bundy fit ses bagages et partit pour Salt Lake City, dans l’Utah, où il devait commencer ses études de droit. Il trouva une chambre dans une maison d’étudiants et se fit de nouveaux amis. Deux d’entre eux étaient des missionnaires mormons, très présents dans l’Utah (qui est considéré comme “leur” état). Bundy – qui était toujours allé à la messe avec sa mère – commença à s’intéresser à la doctrine des Mormons.

Il continua pourtant à vivre une double vie. Il s’impliqua beaucoup dans l’église mormone, mais ne mentionna jamais cette implication à ses amis du quartier où il habitait.

Le 2 octobre 1974, Nancy Wilcox, une majorette de 16 ans habitant dans l’Utah, s’était disputée avec ses parents et avait décidé de fuguer. Elle disparut alors qu’elle faisait du stop. On ne retrouva jamais son corps

Le 18 octobre 1974, la fille du shérif de Midvale (Utah), Melissa Smith, 17 ans, disparut alors qu’elle faisait elle aussi du stop pour se rendre à une soirée entre amis. Son corps fut découvert 9 jours plus tard dans le parc Summit. Elle avait été violée, étranglée et si violemment battue que son père ne put reconnaître son visage.

Lorsque Lynn Banks, une amie de Meg Anders, lut des articles sur le meurtre de Melissa Smith et vit le portrait-robot du suspect des meurtres précédents, elle pensa que Bundy devait être le tueur. Non seulement elle n’appréciait pas du tout Ted Bundy et ne lui faisait pas confiance, mais il ressemblait vraiment au portrait-robot du journal.

Meg Anders reconnut que le portrait ressemblait beaucoup à Ted, mais elle refusa de croire que l’homme qu’elle aimait et avec qui elle vivait ait pu commettre des meurtres aussi horribles. Mais elle se posait de plus en plus de questions sur lui. Elle avait découvert une hachette sous le siège passager de sa voiture. Un jour, elle avait fouillé sa chambre sans qu’il le sache et avait trouvé une petite boîte remplie de clés. Et il avait coupé ses cheveux bouclés après la parution du portrait-robot, ce qui avait totalement changé son apparence.

Restée seule, encore hésitante, Meg contacta la police à la fin de l’automne 1974, sur le conseil de son amie Lynn. Quatre autres personnes (dont Ann Rule) avaient déjà appelé les enquêteurs pour leur parler de Bundy. Le témoignage de Meg, comme les quatre autres, fut enregistré, classé et… oublié durant plusieurs années. La police était submergée d’appels et lorsqu’on leur parla de Bundy, un jeune homme “bien sous tout rapport”, les enquêteurs préférèrent s’occuper de suspects plus inquiétants.

Le 31 octobre, jour d’Halloween, Laura Aime, 17 ans, une grande adolescente d’1m80, disparut à son tour, dans l’Utah. Elle venait de quitter une soirée et rentrait chez elle en faisant du stop. Son corps fut retrouvé un mois plus tard, le 27 novembre, dans les montagnes Wasatch, près d’une rivière, à 125km au sud de Salt Lake City. Elle avait été frappée à la tête avec un pied-de-biche, puis violée. Les enquêteurs pensèrent qu’elle avait été tuée ailleurs, car il y avait très peu de sang à l’endroit où elle fut trouvée. Il n’y avait malheureusement aucun autre indice.

Les similarités entre les meurtres de Washington et de l’Utah attirèrent l’attention des policiers de cet état, qui cherchaient le responsable de “leurs” trois meurtres. Les policiers des deux états se rencontrèrent pour échanger leurs informations. Ils convinrent que le même homme avait sans doute commis tous ces assassinats.

Le vendredi 8 novembre 1974, un jeune homme moustachu s’approcha de Carol DaRonch, 18 ans, dans la librairie du centre commercial de Murray, dans l’Utah. Il lui expliqua que quelqu’un avait tenté de voler sa voiture et qu’elle devait venir avec lui afin de vérifier que rien n’avait été volé à l’intérieur. Carol pensa que l’homme devait être un agent de sécurité du centre commercial car il semblait très sûr de lui.

Lorsqu’ils arrivèrent à sa voiture, elle jeta un œil et informa le jeune homme que tout allait bien. L’homme, qui s’était présenté comme “l’officier Roseland” ne fut pourtant pas satisfait et voulu l’escorter jusqu’au commissariat. Il voulait qu’elle porte plainte et proposait de la conduire. Mais lorsque Carol DaRonch réalisa que sa voiture de service était une Volkswagen Coccinelle, elle devint méfiante et lui demanda de lui montrer sa plaque. Il présenta rapidement un badge doré puis la fit monter dans sa voiture. Il conduisit dans la direction opposée au commissariat et, après un moment, il arrêta la voiture. Il saisit brusquement Carol DaRonch, terrorisée, et tenta de lui mettre des menottes. Mais dans sa précipitation, il se trompa et referma les deux menottes sur le même poignet. Carol se mit à crier, à le griffer et à appeler à l’aide. Il sortit un pistolet et menaça de la tuer si elle n’arrêtait pas.

Elle saisit la poignée de la portière, qui s’ouvrit brusquement, et tomba hors de la voiture. Mais l’homme sortit lui aussi du véhicule, le contourna très rapidement et s’avança vers elle, un pied-de-biche à la main. Terrifiée, Carol DaRonch eut pourtant le réflexe de le frapper aux parties. Il se plia en deux et elle se mit à courir dans la rue. Elle attira l’attention d’un couple en voiture qui s’arrêta devant elle. Carol sauta dans leur véhicule et leur cria qu’un homme essayait de la tuer. Le couple la conduisit immédiatement au poste de police.

En larmes, tremblante, les menottes encore accrochées à son poignet, elle expliqua aux policiers ce que “l’agent de sécurité” avait fait. Les policiers savaient qu’aucun homme portant le nom de Roseland ne travaillait là. Des patrouilles furent envoyées à l’endroit où l’homme avait failli tuer Carol, mais il était déjà parti. Carol DaRonch fut toutefois capable de fournir une description de l’homme et de son véhicule. Quelques jours plus tard, des spécialistes parvinrent à retrouver du sang de l’agresseur sur le manteau de Carol, qui avait dû l’éclabousser lorsqu’elle l’avait griffé. Ce sang était du groupe O positif, celui de Ted Bundy.

Le même soir, Jean Graham s’occupait d’une pièce de théâtre donnée par les élèves du lycée de Viewmont. Dans les coulisses, un beau jeune homme moustachu s’approcha d’elle pour lui demander si elle pouvait identifier un véhicule. Mais elle était trop absorbée par sa tâche et refusa. Il revint un peu plus tard et réitéra sa demande, mais elle refusa de nouveau. Il y avait quelque chose d’étrange dans ce jeune homme et, lorsqu’elle le vit de nouveau dans la salle, elle se demanda ce qu’il voulait vraiment.

Debby Kent, 17 ans, qui était venue avec ses parents, quitta l’auditorium avant la fin du spectacle pour aller chercher son frère au bowling. Elle expliqua à ses parents qu’elle retournerait les chercher, mais ils ne la virent pas revenir. Inquiets, ils sortirent sur le parking et réalisèrent que leur voiture était toujours là. Ils appelèrent la police et les enquêteurs trouvèrent une petite clé de menottes près du véhicule. Lorsque les policiers tentèrent par la suite d’ouvrir les menottes de Carol DaRonch avec cette clé, ils y parvinrent facilement. Un mois plus tard, un homme appela la police pour signaler qu’il avait vu une Coccinelle couleur bronze sortir du parking du lycée et foncer dans la nuit, le soir de la disparition de Debby Kent.

Le 12 janvier 1975, Caryn Campbell, une jeune infirmière de 23 ans, son fiancé le Docteur Raymond Gadowski et ses deux enfants, faisaient une excursion au Colorado. Gadowski suivait un séminaire et Caryn Campbell l’avait accompagné pour profiter de la montagne et passer du temps avec les enfants. Un soir, alors que la petite famille se détendait dans le salon de leur hôtel, elle réalisa qu’elle avait oublié un magazine dans leur chambre et monta pour le chercher. Elle ne revint pas. Raymond Gadowski savait qu’elle se sentait un peu mal ce soir-là et monta pour voir si elle avait besoin d’aide. Mais elle n’était pas dans la chambre. Au milieu de la nuit, après avoir cherché partout, bouleversé, Gadowski appela la police. Les enquêteurs fouillèrent toutes les chambres de l’hôtel, mais ne trouvèrent aucune trace de Caryn.

Un mois plus tard, à quelques kilomètres de là, on trouva son corps nu figé dans la neige, non loin d’une route. Elle avait été violemment frappée à la tête et avait été tuée peu de temps après sa disparition. Il y avait peu d’indices.

Le 15 mars, Julie Cunningham, une jolie monitrice de ski de 26 ans, disparut à Golden, dans le Colorado, alors qu’elle se rendait dans un bar pour y noyer un chagrin d’amour.

Le 6 avril, Denise Oliverson, 25 ans, s’était disputée avec son mari et avait enfourché son vélo pour se rendre chez ses parents, à Grand Junction, dans le Colorado. Lorsqu’elle ne revint pas, le soir, son époux téléphona chez ses parents, qui lui apprirent qu’elle n’était jamais arrivée chez eux. La police découvrit son vélo et l’une de ses chaussures sous un viaduc, non loin de la route qu’elle avait prise.

Quelques mois plus tard, le crâne d’une autre jeune femme fut découvert dans la montagne Taylor du parc d’état du lac Sammamish, à 15km de l’endroit où les corps de Denise Naslund et Janice Ott avaient été trouvés. C’était Brenda Ball, l’une des sept femmes qui avaient disparu durant l’été 1974. Elle avait été frappée à la tête avec un objet pointu.

La police procéda alors à des battues dans la montagne Taylor. Un autre crâne fut découvert, celui de Susan Rancourt, qui avait elle aussi disparu durant l’été. Deux autres crânes furent découverts dans les semaines qui suivirent, ceux de Roberta Parks et Lynda Ann Healy. Elles avaient toutes été frappées à la tête avec un objet pointu, peut-être un pied-de-biche.

Les corps de Donna Gail Manson et Georgann Hawkins ne furent jamais retrouvés.

LA PREMIERE ARRESTATION

Le 16 août 1975, un policier de l’Utah, Bob Hayward, patrouillait au volant de son véhicule dans un quartier juste en dehors du comté de Salt Lake, lorsqu’il remarqua une Coccinelle roulant doucement dans la nuit. Hayward connaissait tout le monde dans le voisinage et personne ne conduisait de Coccinelle. Lorsqu’il alluma ses phares afin de lire la plaque d’immatriculation de la voiture, le conducteur éteignit les siens et partit sur les chapeaux de roues.

Hayward prit immédiatement le véhicule en chasse. Ce dernier grilla deux stops, mais finit par s’arrêter à une station essence. Bob Hayward se gara derrière lui et posa la main sur son arme lorsque l’occupant de la voiture sortit et s’approcha de lui. C’était un jeune homme brun tout ce qu’il y avait de normal. Hayward lui demanda son permis de conduire et apprit qu’il se nommait Theodore Robert Bundy.

Bundy lui expliqua qu’il était en train de fumer un joint et que, apeuré, il avait fui par peur d’être arrêté, mais s’était ravisé en constatant sa bêtise. Un délit mineur…

Deux autres policiers qui passaient par là se garèrent devant la Coccinelle. Hayward s’avança pour les saluer et, ce faisant, il remarqua que la voiture de Bundy n’avait pas de banquette passager. Il commença à se poser des questions et, avec l’aide de ses deux collègues, il fouilla le véhicule.

Dans un grand sac, ils découvrirent un pied-de-biche, une cagoule de ski, un masque taillé dans un bas, une corde, des menottes et du fil de fer. Bundy fut arrêté car soupçonné de… cambriolage. La détention d’outils pouvant servir à un cambriolage étant un délit mineur, Bundy fut rapidement relâché.

Il savait qu’il n’encourait qu’une punition symbolique et rentra chez lui l’esprit libre.

Mais peu après son arrestation, la police découvrit des liens entre lui et l’homme qui avait agressé Carol DaRonch. Les menottes trouvées dans son coffre étaient de la même marque que celles utilisées sur la jeune femme et la voiture que Carol avait décrite était une Coccinelle “couleur bronze”. Et le pied-de-biche était l’arme que l’agresseur de Carol avait utilisée pour la menacer. Il fut placé sous surveillance et le remarqua. Il repeignit sa Volkswagen.

Il fut de nouveau arrêté, le 21 août, pour être interrogé. Il fit preuve de beaucoup de sang-froid et d’une assurance arrogante. Il déclara qu’il utilisait la cagoule pour se protéger du froid lorsqu’il skiait et affirma avoir trouvé les menottes dans une poubelle. Le pied-de-biche était, selon lui, un outil pour sa voiture. Il accepta que les policiers fouillent son appartement, mais il avait eu le temps de “faire le ménage ” et la police ne trouva pas grand-chose. Un enquêteur, Jerry Thompson, mit malgré tout la main sur des brochures touristiques du Colorado, mais Bundy expliqua qu’il n’était jamais allé au Colorado et que la brochure avait été oubliée là par un ami. L’enquêteur découvrit également des reçus de cartes de crédit et les prit sans le dire à Bundy.

De retour à son bureau, Jerry Thompson appela la police du Colorado et expliqua que son suspect avait coché l’hôtel Wildwood, à Snowmass, sur une brochure du Colorado. C’est à cet endroit que Caryn Campbell avait disparu. Les reçus de cartes de crédit dérobés par Thompson avaient servi à payer de l’essence à Glenwood Springs, dans le Colorado, le 12 janvier 1975, jour de la disparition de Caryn Campbell. Bundy avait donc menti.

Les policiers commencèrent à soupçonner Ted Bundy du meurtre de Caryn Campbell et de l’enlèvement de Melissa Smith, Laura Aime et Debby Kent. Il existait trop de points communs entre les affaires pour que la police les ignore. Les enquêteurs savaient qu’ils avaient toutefois besoin de bien plus de preuves s’ils voulaient que Bundy soit déclaré coupable.

Le 16 septembre 1975, les enquêteurs de l’état de Washington firent venir Meg Anders dans l’Unité de police des Crimes Majeurs du comté de King et lui demandèrent des informations sur Bundy. Elle avait fait part de ses soupçons plusieurs mois auparavant et ils pensaient qu’elle était la mieux placée pour connaître les habitudes et la personnalité de Bundy. Meg était nerveuse mais voulait véritablement aider les enquêteurs. Elle expliqua que les nuits des meurtres, Bundy n’avait pas été avec elle. Il lui arrivait souvent de dormir le jour et de sortir la nuit, elle ne savait pas où. Son intérêt sexuel envers elle avait décliné cette année, et lorsqu’il avait envie, il voulait absolument qu’elle soit attachée. Lorsqu’elle avait dit à Bundy qu’elle ne voulait plus se laisser faire, cela l’avait mis en colère.

Meg Anders apprit aux policiers que Bundy possédait des sachets de plâtre dans sa chambre. Elle avait également remarqué qu’il avait une hachette dans sa voiture. Elle se souvenait surtout que Ted avait été au parc du lac Sammamish en juillet, soi-disant pour faire de la planche à voile, à l’époque où Janice Ott et Denise Naslund avaient disparu. Après des heures d’entrevue avec Meg Anders, les enquêteurs décidèrent d’interroger Stephanie Brooks. Celle-ci leur expliqua sa rupture brutale avec Bundy qui était soudainement devenu cruel et insensible.

Les policiers apprirent que Bundy était sorti avec Meg Anders et Stephanie Brooks en même temps, sans que l’une ne soit au courant de l’existence de l’autre. Il avait vécu une double vie, remplie de mensonges et de trahisons.

Le 2 octobre 1975, Carol DaRonch, Jean Graham (qui s’occupait de la pièce de théâtre des lycéens) et une amie de Debby Kent vinrent au poste de police afin d’identifier Bundy parmi 6 autres hommes. A la surprise des policiers, il avait rasé sa moustache, coupé ses cheveux et les avait coiffés différemment. Pourtant, Carol DaRonch le reconnut immédiatement. Jean Graham et l’amie de Debby Kent prirent leur temps et désignèrent Bundy comme l’homme qu’elles avaient vu rôder dans l’auditorium le soir où Debby Kent avait disparu. Ted Bundy eut beau jurer de son innocence, les policiers étaient persuadés qu’ils avaient leur assassin. Ils prévinrent leurs collègues du Colorado et du Washington.

Les policiers continuèrent leur enquête et découvrirent d’autres éléments à charge.

  • Lynda Ann Healy connaissait un cousin de Bundy
  • les témoins du lac Sammamish le reconnurent comme le “jeune homme étrange” au plâtre
  • un vieil ami de Bundy vint expliquer qu’il avait vu des collants dans la boîte à gants de la voiture de Bundy
  • Bundy avait passé pas mal de temps dans les montagnes Taylor, où les corps de certaines victimes avaient été découverts
  • un de ses amis l’avait vu se promener avec un bras dans le plâtre alors qu’il ne s’était pas cassé le bras.

Les preuves s’accumulaient, et pourtant Bundy continuait à clamer son innocence. Beaucoup de gens le crurent, dont sa mère et ses nouveaux amis de l’université de Salt Lake City.

CAROL DARONCH

Le 23 février 1976, Bundy fut jugé pour sa tentative d’enlèvement sur Carol DaRonch. Il s’affala un peu sur sa chaise, détendu, le sourire aux lèvres, persuadé qu’il allait être déclaré innocent. Il pensait qu’il n’existait aucune preuve solide et directe contre lui.

Mais lorsque Carol DaRonch vint témoigner, elle expliqua l’épreuve qu’elle avait subie 16 mois plus tôt avec beaucoup d’émotion. Lorsqu’on lui demanda si elle reconnaissait la personne qui l’avait agressée, elle se mit à pleurer et pointa un doigt vers Bundy. Tout le monde tourna instinctivement les yeux vers Bundy… qui fixait froidement Carol DaRonch du regard.

Bundy affirma quant à lui qu’il n’avait jamais vu la jeune femme, mais il ne fut pas capable de fournir un alibi pour la soirée de l’agression. Le juge passa le week-end à réfléchir avant de rendre son verdict. Il déclara Bundy «coupable, sans doute possible, d’enlèvement aggravé». Bundy éclata en sanglots. Le juge demanda un examen psychiatrique avant d’exprimer sa sentence.

Des psychologues examinèrent Bundy. Ils déclarèrent qu’il n’était ni psychotique (fou), ni névrosé, qu’il n’était pas victime d’une maladie du cerveau, n’était ni alcoolique, ni drogué, ne souffrait pas d’amnésie et n’était pas “déviant sexuellement”. Ils conclurent qu’il avait une grande dépendance (comme une drogue) envers les femmes et que cette dépendance était suspecte. Ils ajoutèrent qu’il avait peur d’être humilié dans ses relations avec les femmes et qu’il existait des «indications de colère cachée envers les femmes».

Le 30 juin, Bundy fut condamné à “1 à 15 ans de prison”. Il pouvait être libéré sur parole au bout de 15 mois d’emprisonnement.

Alors que Bundy était incarcéré à la prison d’État de l’Utah, les enquêteurs commencèrent à chercher des preuves qui le relieraient aux meurtres de Caryn Campbell et Melissa Smith. Ils découvrirent des cheveux dans la Coccinelle de Bundy et les envoyèrent aux laboratoires du FBI. Ceux-ci déclarèrent qu’ils étaient “très semblables” à ceux de Caryn Campbell et Melissa Smith. Un examen approfondi du corps de Caryn Campbell montra que les “marques” de lésions sur son crâne avaient été faites par un objet pointu, et que ces “marques” correspondaient au pied-de-biche découvert dans le véhicule de Bundy.

Le 22 octobre 1976, Bundy fut officiellement inculpé du meurtre de Caryn Campbell.

Dans les états de Washington et de l’Utah, la famille, les ex-collègues, les amis et les “frères” mormons de Bundy furent abasourdis lorsque les journalistes annoncèrent qu’il était sans doute un tueur en série. Ils crurent d’abord, tout comme les médias, que la police avait commis une erreur ou essayait de trouver un coupable, quel qu’il soit. Mais cette illusion s’effondra rapidement, à mesure que les preuves s’accumulaient.

En avril 1977, Bundy fut transféré au pénitencier du comté de Garfield, dans le Colorado, pour participer à son procès. Durant la préparation du procès, il se querella souvent avec son avocat. Il le trouvait idiot et incapable, et finit par le congédier. Comme il avait étudié le droit, il pensa qu’il pourrait très bien se défendre seul et décida de se représenter lui-même. Il pensait qu’il pourrait gagner son procès, prévu pour le 14 novembre 1977. Il avait beaucoup de travail et prenait sa défense à cœur. Comme il se conduisait de manière charmante et qu’il semblait sérieux, on l’autorisa à quitter sa cellule sans être menotté et à utiliser la bibliothèque du tribunal d’Aspen afin de procéder à des recherches.

Le 7 juin 1977 eut lieu son audience préliminaire. À l’heure du repas, il se rendit dans la bibliothèque, comme à son habitude, au deuxième étage. Il parvint à sauter d’une fenêtre ouverte et bien qu’il se tordit la cheville, il se mit à courir. Le temps que les gardiens réalisent son absence, il était déjà loin. Il ne portait pas de menottes aux chevilles ni aux poignets, et se fondit rapidement dans la population d’Aspen.

La police dressa immédiatement des barrages tout autour de la ville, publia un avis de recherche, organisa des battues dans la campagne environnante, utilisa des chiens et accueillit 150 volontaires.

Bundy réussit à se nourrir en volant de la nourriture dans les chalets locaux, dormant parfois dans l’un d’eux s’il était abandonné. Mais il savait que cela ne pourrait durer longtemps et qu’il avait besoin d’une voiture. Il eut un coup de chance lorsqu’il découvrit une voiture vide dont les clés pendaient sur le tableau de bord. Mais il fut remarqué par des policiers peu avant un barrage routier et arrêté, six jours après son évasion. Il fut très heureux de découvrir que de nombreux journalistes l’attendaient devant le poste de police et leur offrit un beau sourire…

À partir de ce moment-là, on lui laissa les menottes aux poignets et aux chevilles dès qu’il sortait de cellule, et des gardiens restèrent avec lui dans la librairie. Il recommença à préparer sa défense, avec l’aide de conseillers nommés par la cour. Il travailla beaucoup et parvint à faire exclure le témoignage de Carol DaRonch pour son futur procès.

Sept mois plus tard, Bundy s’évada de nouveau.

Le 30 décembre 1977, il découpa le plafond de sa cellule, rampa sur le faux-plafond du pénitencier et parvint à trouver une autre ouverture dans le plafond qui donnait sur un placard, dans l’appartement d’un gardien. Bundy se cacha dans le placard et attendit que l’appartement soit vide puis sortit tranquillement par la porte d’entrée.

On ne découvrit sa disparition que l’après-midi, 15 heures après son évasion. Le temps que la police soit prévenue, Bundy était déjà en route pour Chicago, l’une des étapes sur la route qui allait le mener en Floride.

LA FLORIDE

À la mi-janvier 1978, Ted Bundy utilisa des papiers d’identité volés au nom de Chris Hagen pour louer un appartement dans une résidence étudiante à Tallahassee, en Floride, non loin de l’université d’état. Là, les gens ne savaient pas grand-chose de lui et très peu de gens connaissaient son visage.

Il passa la plus grande partie de son temps à se promener autour du campus, pénétrant parfois dans des amphithéâtres pour écouter les cours. Il restait aussi dans son appartement durant des heures, à regarder la télé qu’il avait volée. Il lui était déjà arrivé de voler auparavant, mais en Floride, le vol devint son mode de vie. Quasiment tout dans son appartement avait été dérobé. Il achetait même sa nourriture avec des cartes bleues volées.

Mais Bundy voulait plus qu’un toit, une télé et de la nourriture…

Dans la nuit du 14 janvier 1978, il sortit de chez lui et se rendit de nouveau sur le campus. La maison du club d’étudiantes “Chi Omega” était quasiment vide. La plupart des étudiantes étaient sorties s’amuser et ne commencèrent à rentrer que vers 3 heures du matin. Nita Neary fut raccompagnée par son petit ami devant la porte du bâtiment.

Elle fut étonnée de trouver la porte grande ouverte. Elle entra et entendit du bruit, comme si quelqu’un courait dans les chambres à l’étage. Les bruits de pas se rapprochèrent brusquement des escaliers devant elle. Instinctivement, Nita Neary se cacha derrière un mur, hors de vue. Elle vit un homme portant un bonnet de laine bleu passer devant elle, des vêtements féminins dans les mains, et sortir précipitamment de la maison.

Nita pensa d’abord à un cambrioleur. Elle courut immédiatement à l’étage pour prévenir sa compagne de chambre, Nancy Dowdy. Elle la réveilla et lui parla de l’homme au bonnet. Ne sachant que faire, elles décidèrent de s’adresser à l’intendante.

Alors qu’elles se dirigeaient vers sa chambre, elles virent une autre fille, Karen Chandler, titubant dans le hall, le visage couvert de sang. Alors que Nancy aidait Karen à s’asseoir, Nita réveilla l’intendante et les deux femmes décidèrent d’éveiller toutes les filles qui étaient restées dans la maison. Elles découvrirent Kathy Klein vivante dans sa chambre, mais couverte de sang, le crâne fracassé. Terrifiée, Nancy Dowdy appela la police.

Les policiers trouvèrent deux autres étudiantes ensanglantées dans leur lit, mortes. Lisa Levy et Margaret Bowman avaient été attaquées durant leur sommeil et n’avaient pas eu le temps de réagir. Lisa avait été frappée à la tête avec une bûche, violée et étranglée. Plus tard, le médecin légiste découvrit des marques de morsures sur ses fesses et l’un de ses seins. En fait, son mamelon avait été mordu si sauvagement qu’il était presque coupé. Margaret avait été tuée de la même manière, mais n’avait pas été violée ni mordue. Elle avait été étranglée avec une paire de collants qui furent trouvés sur le sol.

Les enquêteurs qui interrogèrent les survivantes n’apprirent pas grand-chose. Karen Chandler et Kathy Klein avaient également été attaquées dans leur sommeil et n’avaient pas vu l’assassin. Nita Neary était la seule à avoir aperçu l’homme alors qu’il s’enfuyait.

A moins d’un kilomètre de la maison des “Chi Omega”, peu de temps après, Debbie Ciccarelli fut réveillée par des bruits de coups venant de l’appartement à côté de chez elle. Elle se demanda ce que son amie Cheryl Thomas faisait à cette heure de la nuit. Comme les bruits continuaient, Debbie commença à s’inquiétait et réveilla sa compagne de chambre, Nancy Young. Apeurées, elles appelèrent Cheryl au téléphone, mais celle-ci ne répondit pas. Elles entendirent la porte de l’appartement de Cheryl grincer et se refermer. Elles prévinrent alors la police.

Les policiers arrivèrent rapidement sur les lieux : ils venaient de la maison des “Chi Omega”. Ils trouvèrent Cheryl Thomas allongée sur son lit. Elle était à demi consciente et presque dénudée, son visage était couvert de sang, son crâne était fracturé, son épaule gauche était disloquée, sa mâchoire était brisée… mais elle était vivante. Les policiers découvrirent une cagoule de ski au pied de son lit, semblable à celle qui avait été trouvée dans la voiture de Bundy en août 1975.

Les experts de la police firent un excellent travail. Ils purent prélever des échantillons de sang de l’assassin, du sperme et des empreintes digitales. Malheureusement, la plupart de ces preuves se révélèrent peu utiles, car pas assez précises ou imparfaites. Les seules preuves réellement sérieuses que les enquêteurs purent obtenir furent quelques cheveux trouvés sur la cagoule, une empreinte dentaire grâce à la marque de morsure sur la fesse de Lisa Levy et le témoignage de Nita Neary.

Ils n’avaient aucun suspect. Le FBI n’avait pas encore fait publier un avis de recherche concernant Ted Bundy et à 2000 km du Colorado, personne ne le connaissait.

Le 9 février 1978, la police de Lake City, une petite ville située à 170km à l’est de Tallahassee, reçut un appel désespéré des parents de la jeune Kimberly Leach, 12 ans. Alors qu’elle était au cours de gym, elle s’était rendu compte qu’elle avait oublié son porte-monnaie en classe et était sortie pour aller le chercher. Elle avait disparu et on ne la trouvait nulle part.

La police organisa des recherches dans tout le comté afin de trouver la fillette qui s’était évaporée non loin de son école. Les enquêteurs découvrirent que l’amie de Kimberly, Priscilla Blakney, l’avait vue monter dans «la grosse voiture» d’un étranger. Malheureusement, elle ne se rappelait ni la couleur ni la marque du véhicule et encore moins l’apparence du conducteur.

Le 10 février, Bundy fut (enfin) placé sur la liste des 10 criminels les plus recherchés par le FBI et son portrait fut envoyé à toutes les polices du pays. Le texte de l’avis de recherche le décrivait comme un “évadé” du Colorado soupçonné de 36 viols et meurtres depuis 1969.

Quelques jours avant que Kimberly ne disparaisse, un homme dans un van blanc s’était approché d’une adolescente de 14 ans, Leslie Parmenter, alors qu’elle attendait son frère. L’homme avait affirmé travailler pour les pompiers et lui avait demandé si elle allait à l’école dans le quartier. Leslie avait trouvé étrange qu’un pompier porte un pantalon écossais et un gilet de marin. Elle ne lui avait pas répondu et avait commencé à s’inquiéter : son père, détective de la police de Jacksonville, lui avait souvent répété de ne jamais parler aux étrangers. À son grand soulagement, son frère arriva au même moment et l’homme s’en alla. Méfiant, le frère de Leslie le suivit un moment et releva le numéro de sa plaque minéralogique qu’il donna à leur père.

Celui-ci, James Parmenter, décida de vérifier à qui appartenait ce van et découvrit que le propriétaire était un certain Randall Ragen. Il alla lui rendre visite. Ragen lui expliqua qu’on lui avait volé ses plaques et qu’il en avait maintenant de nouvelles. Parmenter apprit par la suite que le van avait lui aussi été volé. Sur une intuition, James Parmenter amena sa fille et son fils au poste de police afin de leur montrer des photos de criminels arrêtés. Parmi ces photos, il glissa celle de l’avis de recherche de Ted Bundy. Ses deux enfants reconnurent Bundy comme le chauffeur du van.

Mais Bundy s’était déjà débarrassé du van pour voler un autre véhicule, une Coccinelle, et se rendit à Pensacola.

LA SECONDE ARRESTATION

Le 15 février 1978, le policier David Lee patrouillait à l’ouest de Pensacola lorsqu’il vit une Coccinelle orange rouler doucement dans les rues. Il connaissait bien le quartier et savait qu’aucun habitant ne possédait de Coccinelle orange. Suspicieux, il vérifia les plaques d’immatriculation grâce à sa radio et apprit qu’elles avaient été volées. Il alluma ses phares et se mit à suivre la voiture.

Tout comme il l’avait fait dans l’Utah en août 1975, Bundy prit la fuite puis s’arrêta brusquement. David Lee, la main sur son arme, lui ordonna de sortir de sa voiture et de s’allonger sur le sol. Bundy s’exécuta, mais lorsque Lee tenta de lui mettre les menottes, il roula sur le côté et le frappa. Il parvint à se libérer et se mit à courir. Lee lui tira dessus et Bundy tomba sur le sol. Lee s’approcha de lui pour vérifier s’il était blessé et Bundy se jeta de nouveau sur lui. Mais cette fois, Lee parvint à le menotter. Il le conduisit au poste de police et fut abasourdi de le reconnaître sur l’avis de recherche du FBI.

Le 7 avril 1978, le corps en décomposition de Kimberly Leach fut découvert dans une vieille cabane située dans un parc du comté de Suwannee, en Floride. Elle avait été violée et égorgée.

Dans les mois qui suivirent son arrestation, les enquêteurs amassèrent de nombreuses preuves contre Bundy. Le van blanc qu’il avait volé et abandonné fut retrouvé. Trois personnes vinrent témoigner du fait qu’elles avaient vu Bundy conduire ce van autour de l’école de Kimberly, l’après-midi de sa disparition. Des examens dans le van permirent de prélever des fibres appartenant aux vêtements de Bundy.

D’autres examens révélèrent du sang appartenant au même groupe sanguin que celui de Kimberly à l’arrière du van, et du sperme et du sang de Bundy sur les sous-vêtements de Kimberly, découvert près de son corps. On trouva également une empreinte de chaussure de Bundy dans la terre, à côté du corps.

La police préleva des échantillons de sang et des cheveux de Bundy. Elle fit également (de force) un moulage de ses dents afin de vérifier si elles correspondaient aux marques de morsures sur le corps de Lisa Levy.

Le 31 juillet 1978, Bundy fut inculpé du viol et du meurtre de Kimberly Leach. Peu après, il fut également inculpé du carnage de la maison des “Chi Omega”. En Floride, il risquait la peine de mort. Il nia tous les crimes dont il était accusé.

Bundy participa à trois procès en trois ans, tous couverts par des médias avides avec lesquels Bundy cabotina. Le premier fut celui des meurtres des “Chi Omega”, le 25 juin 1979, à Miami. Trois mois plus tard, il fut jugé pour les agressions des “Chi Omega”. Et en janvier 1980, il fut finalement jugé pour le meurtre de Kimberly Leach. A chaque fois, les journalistes, les curieux et les “groupies” furent nombreux.

LES PROCES

Durant le premier procès, Bundy décida d’être son propre avocat. Très sûr de lui et de ses faux alibis, il pensait pouvoir convaincre les 12 jurés de son innocence. Pourtant, ces derniers ne se laissèrent pas embobiner par son charme et ses sourires. Le témoignage de Nita Neary fut accablant et elle le reconnut comme étant «l’homme au bonnet bleu» qu’elle avait vu partir avec des vêtements dans les mains.

Mais c’est surtout un odontologiste, le docteur Richard Souvrion, qui scella le destin de Bundy. Il décrivit les marques de morsures relevées sur le corps de Lisa Levy en présentant de grandes photos couleur qui avaient été prises la nuit des meurtres. Il fit remarquer que la dentition reconstituée à partir des traces de dents laissées sur la victime correspondait parfaitement à celles de Bundy… D’autres experts, nommés par la défense, vinrent expliquer que l’odontologie était une science qui manquait d’exactitude, mais les jurés furent plus convaincus par la démonstration du docteur Souvrion.

Le 23 juillet 1979, les jurés délibérèrent durant 7 heures avant de rendre leur verdict. Bundy, impassible, fut déclaré coupable des meurtres de Lisa Levy et Margaret Bowman.

Le 31 juillet 1979, il fut condamné à mourir sur la chaise électrique.

Lors du second procès, il fut déclaré coupable des agressions sur Kathy Kleiner et Karen Chandler.

Le 7 janvier 1980, Bundy fut jugé pour le meurtre de Kimberly Leach et de nouveau déclaré coupable. A la fin de son procès, en plein tribunal, il épousa Carole Boone, l’amie qu’il s’était faite au comité républicain. Elle était persuadée de son innocence.

Un mois plus tard, il fut de nouveau condamné à la peine capitale.

DANS LE COULOIR DE LA MORT

Bundy ne fut jamais jugé pour ses autres meurtres dans l’état de Washington, l’Oregon, l’Utah et le Colorado.

Carole Boone et Ted Bundy parvinrent à avoir une fille. Elle finit par divorcer lorsqu’elle réalisa, enfin, qu’il était bien coupable des abominables crimes dont on l’accusait.

Dans le couloir de la mort, Bundy reçut des centaines de lettres, la plupart écrites par des femmes : des nonnes, des malades mentaux, des femmes au foyer, des avocates, des groupies… Aucune ne le connaissait personnellement. Elles lui proposaient le salut de son âme, du sexe, de l’argent, de l’amitié, le pardon ou la damnation.

Peu avant son exécution, Bundy avoua de nombreux meurtres, espérant ainsi surseoir au châtiment. Il tenta de marchander ses aveux : pour chaque corps qu’il permettrait de découvrir, le gouverneur de Floride devait lui donner 1 ans de plus à vivre. Il aurait eu un pouvoir immense sur les policiers et sur les familles des victimes. Le gouverneur refusa.

Il avoua toutefois, à des journalistes et des enquêteurs, les meurtres de 28 autres femmes, toujours dans l’espoir que l’on allait malgré tout lui accorder «un peu de temps».

Beaucoup pensent qu’il a tué bien plus de femmes, aux États-Unis, mais aussi au Canada (une série d’assassinats connue sous le nom de “Highway Murders”).

Après de nombreux appels et 9 ans dans le couloir de la mort dans la prison d’état de Floride, Bundy fut exécuté le 24 janvier 1989, à l’âge de 43 ans.

Victimes

Joni Lenz/Sharon Clark (20 ans) Battue dans son sommeil avec une barre de fer, le 04 janvier 1974, à Seattle (Etat du Washington). Elle a survécu.

Lynda Ann Healy (21 ans) Battue et enlevée le 31 janvier 1974 dans sa chambre, à Seattle. Son corps fut retrouvé en mars 1975 à 15 km du Lake Sammamish (Washington), dans les Taylor Moutains.

Donna Gail Manson (19 ans) Enlevée le 12 mars 1974 sur le campus d’Evergreen (Washington). Son corps ne fut jamais retrouvé.

Susan Rancourt (18 ans) Enlevée le 17 avril 1974 sur le campus de son université à Seattle. Son corps fut retrouvé en mars 1975 à 15 km du Lake Sammamish, dans les Taylor Moutains.

Roberta Kathleen Parks (22 ans) Enlevée le 6 mai 1974 sur le campus de l’Université d’Olympia (Oregon). Son corps fut retrouvé en mars 1975 à 15 km du Lake Sammamish, dans les Taylor Moutains.

Brenda Ball (22 ans) Enlevée le 1er juin 1974 devant un bar près de l’aéroport de Seattle. Son corps fut retrouvé en mars 1975 à 15 km du Lake Sammamish, dans les Taylor Moutains.

Georgann Hawkins (18 ans) Enlevée le 10 juin 1974 sur le campus de son université, à Seattle. Son corps ne fut jamais retrouvé.

Denise Naslund (19 ans ) Enlevée le 14 juillet 1974 dans le parc national de Lake Sammamish. Son corps fut retrouvé le 06 septembre 1974 dans un sous-bois.

Janice Ott (23 ans) Enlevée le 14 juillet 1974 dans le parc national de Lake Sammamish. Son corps fut retrouvé le 06 septembre 1974 dans un sous-bois.

– Ted Bundy quitte Seattle pour aller étudier le droit à Salt Lake City (Utah)

Nancy Wilcox (16 ans) Enlevée le 02 octobre 1974,à Salt Lake City, alors qu’elle faisait de l’auto-stop. Son corps ne fut jamais retrouvé.

Melissa Smith (17 ans) Enlevée le 18 octobre 1974 à Midvale (Utah), alors qu’elle faisait de l’auto-stop. Elle était la fille du chef de la police de la ville. Son corps fut retrouvé le 27 octobre 1974 à Summit Park.

Laura Aime (17 ans) Enlevée le 31 octobre 1974 à Salt Lake City, alors qu’elle faisait de l’auto-stop. Son corps fut retrouvé le 27 novembre 1974, dans les montagnes.

Carol DaRonch (17 ans) Enlevée le 8 novembre 1974 à Salt Lake City. Elle réussit à s’enfuir et donna le signalement de son agresseur. Bundy s’était fait passer pour un policier et était parvenu à la faire monter dans son véhicule, mais elle parvint à ouvrir la portière et courut vers une voiture.

Debbie Kent (17 ans ) Enlevée le 08 novembre 1974 dans le parking de son lycée à Viewpoint (Utah). Son corps ne fut jamais retrouvé.

Caryn Campbell (23 ans) Enlevée le 12 janvier 1975 dans son hôtel à Snowmass (Colorado). Son corps fut retrouvé en février 1975.

Julie Cunningham (26 ans) Enlevée le 15 mars 1975 à Vail (Colorado)

Denise Oliverson (25 ans) Enlevée le 6 avril 1975 à Grand Junction (Colorado)

– 2ème évasion de Bundy, le 30 décembre 1977, de la prison de Garfield (Colorado). Il va à Chicago, Ann Arbor, puis Atlanta, et arrive finalement en Floride le 6 janvier 1978

>> Meurtre dans le dortoir des filles du club d’étudiantes “Chi Omega”, le 15 janvier 1978 à Tallahassee (Floride) :

Lisa Levy (20 ans) Violée et assassinée dans son lit.

Margaret Bowman (21 ans) Assassinée dans son lit.

Karen Chandler (21 ans) Agressée.

Kathy Kleiner (20 ans) Agressée.

Cheryl Thomas (20 ans) Agressée.

Kimberly Leach (12 ans) Enlevée le 9 février 1978, non loin de son collège de Lake City (Floride). Son corps fut retrouvé le 7 avril 1978 dans une cabane près d’un parc.

Bundy est également soupçonné des meurtres de :

Rita Lorraine Jolly (17 ans), assassinée dans l’Oregon en 1973. – Vicki Lynn Hollar (24 ans), assassinée à Eugene, dans l’Oregon en 1973. – Nancy Baird (21 ans), assassinée à Farmington, dans l’Utah en 1975. – Sandra Weaver (17 ans), assassinée dans l’Utah en 1975. – Sue Curtis (17 ans), assassinée dans l’Utah en 1975. – Debbie Smith (17 ans), assassinée dans l’Utah en 1975. – Melanie Cooley (18 ans), assassinée à Nederland, dans le Colorado le 15 avril 1975. – Shelly Robertson (24 ans), assassinée à Denver, dans le Colorado le 1er juillet 1975.

Mode opératoire

Les autorités ont souvent mis beaucoup de temps à retrouver les corps des victimes de Bundy et n’ont souvent découvert que des crânes. Vu leur état, il était donc difficile de savoir comment il les avait tuées…

Bundy s’en prenait toujours à des jeunes femmes, souvent des étudiantes, qui avaient des cheveux longs et portaient généralement un pantalon : le type de femme qu’il appréciait physiquement… et détestait psychiquement, car elles lui rappelaient sa propre inadéquation à la société et ses échecs dans la vie (comme Ed Kemper). Elles ressemblaient physiquement à Stephanie Brooks.

Il les repérait, les suivait, puis les approchait avec un prétexte bien élaboré. Il faisait semblant d’avoir le bras cassé et d’avoir besoin d’aide (Dans “Le Silence de Agneaux”, Buffalo Bill utilise cette technique de Bundy pour que sa future victime entre dans son van) ou se faisait passer pour un agent de sécurité… etc. Elles le suivaient et lorsqu’ils se retrouvaient dans un endroit discret, seuls, il les frappait violemment à la tête (souvent avec un pied-de-biche) et les jetait dans sa voiture. Tout se passait très rapidement. Certaines sont mortes de cette blessure à la tête. D’autres ont survécu durant des heures ou des jours jusqu’à ce que Bundy les étrangle.

Bundy conduisait souvent sur des kilomètres, ses victimes inconscientes ou mortes dans sa voiture. Puis, il s’arrêtait dans un endroit tranquille, les violait et les mutilait.

Ensuite, il les déshabillait et jetait leur corps, généralement dans des endroits boisés qu’il avait repérés à l’avance. Lorsque les corps étaient découverts, ils étaient souvent totalement décomposés. Leurs crânes et leurs squelettes portaient les traces des dents d’animaux sauvages et étaient dispersés sur des centaines de mètres.

Bundy était nécrophile. Les policiers ne découvrirent pas toujours des corps entiers. Ainsi, dans les Taylor Moutains, non loin du lac Sammammish, ils ne découvrirent que des têtes décapitées. Bundy faisait “quelque chose” avec ses têtes ou ses corps décapités. Il lui arrivait de revenir dans les endroits où il avait abandonné le corps d’une victime, pour accomplir des actes sexuels avec ce cadavre. L’une des victimes découvertes dans l’Utah portait des faux cils et du maquillage qu’elle n’utilisait pas normalement. Cela indique que Bundy l’avait sûrement maquillée lui-même.

Motivations

Bundy était considéré par celles et ceux qui le connaissaient comme un homme sincère, intelligent et courtois envers les femmes. Il était beau et charmeur et les femmes le trouvaient irrésistible. Les amis de Bundy l’admiraient. Les hommes plus âgés appréciaient Bundy pour son esprit conventionnel et son air assuré. Beaucoup d’entre eux le traitaient comme un neveu ou un petit frère. «Les gens, a dit le procureur Dekle en Floride, pensent qu’un criminel est un bossu difforme aux yeux qui louchent, qui se glisse dans l’obscurité en laissant un filet de bave derrière lui. Ils oublient souvent que les criminels sont des êtres humains».

En fait, Ted Bundy, comme bien des tueurs en série, était bien un monstre difforme, mais celui-ci se situait dans son esprit et non pas sur son physique. Il se cachait derrière ce que les psychiatres appellent le “masque de normalité”. Ce masque est fabriqué par le tueur en série, ce n’est qu’une image qu’il donne de lui-même, mais c’est généralement une image terriblement efficace et impénétrable.

Une fois que Bundy a été inculpé, presque tous les critères du “désordre de personnalité antisocial” ont été identifiés en lui : violence, mépris pour la vérité et les règles sociales, vol, impulsivité, incapacité à ressentir de la culpabilité ou des remords, etc. Mais avant ces inculpations, personne n’avait pris le comportement de Ted Bundy pour ce qu’il était car personne ne voyait derrière le masque. Bundy lui-même ne comprenait pas toujours pourquoi il agissait comme il le faisait.

C’est également sa quête d’identité qui le poussa à mentir, à se présenter différemment, à prétendre être quelqu’un d’autre. La seule personne qu’il ne voulait pas être, c’était Ted Bundy, celui qui n’avait rien de particulier.

Et comme il ne parvenait pas à comprendre les relations sociales entre les gens (amitiés, amour, etc), il s’était créé une série de “déguisements”, de masques et d’apparences sociales afin de s’intégrer malgré tout. Il vivait pour représenter une image qu’il voulait désespérément être mais ne pouvait jamais atteindre.

Son “masque de normalité” lui permettait de cacher la réalité aux autres et de la nier envers lui-même. Il lui conférait également le pouvoir de manipuler les gens, d’une manière quasiment magique. C’est ce pouvoir qui a fait de lui un tueur en série si “efficace”. C’est ce pouvoir qui lui a permis de s’échapper par deux fois de sa prison du Colorado.

Et il attirait les femmes. Pendant des années, plusieurs femmes furent physiquement intimes avec lui (souvent avec bonheur) et bien d’autres auraient aimé l’être. Il inspira des amours passionnés et des amours sans espoir, tel celui de son épouse, Carole Boone, que Bundy encouragea cruellement à le croire innocent jusqu’à la veille de son exécution.

Parce qu’il pouvait facilement manipuler les femmes, elles étaient importantes pour lui et il cherchait leur compagnie. Elles lui permettaient de se sentir en position de force, de domination. Il n’a jamais laissé aucune femme être totalement intime avec lui, même Meg Anders, Stephanie Brooks ou Carol Boone. Il a toujours gardé une grande partie de lui secrète.

Les journalistes ont toujours parlé de sa normalité apparente, de son intelligence, de son sex-appeal, de son ” Républicanisme “. Mais ils n’ont pas expliqué qu’il se rongeait les ongles et se curait le nez compulsivement, qu’il était intelligent, mais n’était pas un génie (son QI était de 122), qu’il était un bon élève au lycée, mais qu’il a très souvent échoué à l’Université, qu’il lisait mal et lentement, qu’il prononçait fréquemment les mots de manière incorrecte, qu’il bégayait lorsqu’il était nerveux et qu’il n’avait acquis qu’une sophistication de surface.

Au milieu des nombreux tueurs considérés comme “fous”, Bundy semble être un génie criminel, une sorte de personnage fictif qui n’était pas un solitaire, un paumé ou un perdant. Et pourtant, il l’était. Il n’en avait tout simplement pas l’air.

Bundy affirmait qu’il était lui-même une victime, d’un avocat incompétent, d’une mauvaise publicité antérieure au procès et de preuves manipulées. Il expliquait avoir été pris dans un monstrueux embrouillamini de coïncidences. Il répétait, encore et encore, à qui voulait l’entendre, qu’il était innocent. Et pourtant, lorsque les journalistes ou les policiers venaient l’interroger au sujet des meurtres, il se renfermait ou mentait effrontément. Il ne pouvait présenter aucun élément le disculpant, aucun alibi pour aucun des meurtres, ni même une interprétation crédible pour les faits connus. Il expliquait qu’il n’avait que peu de souvenirs de ces périodes (alors qu’il pouvait parler en détail d’événements joyeux s’étant déroulés à la même époque…) ou plongeait tout simplement dans de longs silences.

Par contre, il aimait montrer les lettres enflammées qu’on lui envoyait. Il était lui-même son plus grand fan.

Bundy était socialement, émotionnellement, peu développé. Il avait à peine plus de maturité qu’un pré-adolescent. Les fantasmes de Bundy étaient grossiers, plus typiques d’un gamin de 13 ans mal informé que d’un adulte. Un esprit d’enfant dirigeait les actions d’un corps d’homme.

Ted Bundy possédait également une grande capacité à dissocier les choses. Il compartimentait tout dans sa vie et trouvait toujours des explications (satisfaisantes pour lui) à ce qui se passait. Son esprit était un labyrinthe. Au fil des années, il avait créé tout un édifice mental compliqué dans son cerveau. Son immaturité émotionnelle et sa capacité à compartimenter sa vie peuvent expliquer comment Bundy pouvait vivre avec ses meurtres tout en les niant, même face à des preuves accablantes.

Mais Bundy n’était pas schizophrène et n’avait pas non plus de “double personnalité”, il le disait lui-même. Ce ne sont pas seulement ses problèmes sociaux et sa pauvre idée de lui-même qui l’ont conduit à tuer. Il s’est enfoncé dans un monde de fantasmes sexuels de plus en plus violents et a “consommé ” beaucoup de revues et de vidéos pornographiques violentes. Pour lui, la pornographie était «un moyen d’expérimenter, de vivre par la pensée, ce que d’autres vivaient réellement (…)» La pornographie est “l’utilisation, l’abus, la possession de femmes comme des objets”. Du fantasme à la réalité, il n’y eut qu’un pas, que Bundy franchit volontairement.

Il devint de plus en plus violent, mais parvint à cacher son désordre intérieur à celles et ceux qui le connaissaient. Il appelait cela une «situation hybride», parlait d’une «entité» qui était à la fois en lui et avec lui, pas comme une autre personnalité, mais comme un pouvoir destructeur qui grandissait en lui. Ce n’est que grâce à son incroyable capacité à compartimenter sa vie que Bundy a été capable de maintenir le masque sur son visage.

Il nourrit d’abord ses fantasmes grâce au voyeurisme. Il se mit également à boire beaucoup d’alcool, se préparant graduellement à tuer. Il commença à réaliser ses fantasmes tout d’abord en suivant des femmes, puis en les agressant. Tout comme Ed Kemper, avant même de commencer à tuer, Ted Bundy avait repéré des endroits où il pourrait abandonner les corps de ses victimes.

Bundy avait eu le désir conscient de s’abandonner à ses pulsions violentes, de devenir un tueur en série et de créer ce masque pour le cacher. Il n’agissait pas à cause d’une pulsion irrésistible et incontrôlable. Non. De sa propre volonté, il a créé le tueur en lui.

Durant son adolescence, il a tenté d’entretenir l’image d’une personne publique qui soit crédible, de créer son “masque de normalité”. Étant dénué d’émotions adultes véritables, il dut paraître normal alors qu’intérieurement se déchaînait un grand tumulte.

Il a appris à imiter des émotions qui lui étaient étrangères, à acquérir un comportement approprié à travers l’imitation et l’artifice. Ce processus a été douloureux et bouleversant pour lui, chaque faux pas étant ressenti comme une humiliation. Il était déconcerté par son incapacité à cultiver la moindre relation adulte. Il ne comprenait pas pourquoi les gens voulaient être amis, il ne savait pas ce qui faisait que les gens pouvaient être attirés les uns par les autres. Ses efforts pour s’intégrer disparaissaient lorsqu’il se sentait rejeté. Chaque défaite, grande ou petite, était perçue comme dévastatrice.

Durant sa première année à l’université, Bundy ne sortit qu’avec une seule fille. Il expliqua qu’il était particulièrement insensible, ne remarquant pas quand une femme était intéressée par lui. Lorsqu’on lui disait qu’il était beau garçon, il ne le croyait pas, se dévaluant toujours à ses propres yeux.

L’anxiété au sujet de son statut, de son niveau social était particulièrement intense dans ses relations avec les femmes. Bundy ne voulait pas connaître la jeune femme à laquelle il s’attaquait, il en avait même peur. Alors il l’assommait ou même la tuait rapidement afin d’avoir un contrôle total sur elle. Pour Ted Bundy, la violence n’a jamais été une fin en soi et le sexe était presque superficiel. La gratification ne reposait pas sur l’agression et le meurtre, mais sur le contrôle et la possession. Bundy pouvait continuer à fantasmer sur ses actes, à se masturber ou même avoir une relation sexuelle normale avec l’une de ses conquêtes, tout en pensant à ses meurtres. C’est une autre forme de possession. Il a enlevé et assassiné des étudiantes, jeunes, belles et intelligentes. C’était la manière dont son esprit effrayé par le statut social pouvait concevoir la possession.

Lors de ses premiers meurtres, il a frappé ses victimes à la tête «pour voir ce que ça ferait». Au départ, cela l’a horrifié, mais lorsque cet effroi a disparu, il a commencé à aimer ça. Il s’est conditionné pour ne plus ressentir aucune angoisse et a commencé tôt. Robert Keppel l’a interrogé peu avant son exécution et a fini par comprendre que Bundy a dû commettre ses premières agressions en 1968. Cette année-là, deux hôtesses de l’air avaient été attaquées non loin du quartier où il vivait et deux autres jeunes femmes, dont l’une est décédée, avaient été violemment frappées à la tête.

Beaucoup de gens pensent que Bundy est allé en Floride parce que cet état applique la peine de mort et qu’il voulait être condamné à la peine capitale, comme dans une sorte de suicide par procuration. Il est nettement plus probable que Bundy se soit rendu en Floride simplement parce qu’il y fait beau et que les femmes s’y promènent en short ou en bikini…

Dans la maison des “Chi Omega”, son intention était de tuer toutes les femmes présentes. Il n’avait pas prévu que Nita Neary serait présente ; d’ailleurs, à quelques secondes près, il serait parti avant qu’elle n’arrive et ne le voit. Il avait beaucoup bu et se posait beaucoup de questions sur son avenir. Il était devenu moins prudent, plus impulsif, et s’est “laissé aller” à de terribles violences dans un endroit où vivaient de nombreuses femmes et où, surtout, d’autres pouvaient arriver d’un moment à un autre.

Finalement, Bundy était frustré d’avoir été arrêté (car il ne pouvait plus tuer) mais il était heureux d’être devenu célèbre. Il obtint la célébrité qu’il avait désespérément cherchée. Les procès ont également été un moyen pour Bundy de satisfaire son désire de revanche sur une société qui, selon lui, l’avait calomnié. Il ne se sentait coupable de rien.

Ted Bundy était un homme incroyablement complexe. Il était fier et pompeux, il voulait être en relation avec des gouverneurs et des avocats, des gens importants. Mais il était également pitoyable, incapable de vraiment réaliser quoi que ce soit d’important dans sa vie si une femme ne l’encourageait pas. C’était un perdant facilement découragé. Il était également terrifié par ses propres actes. Après un meurtre, il était souvent confus et bouleversé et ne savait pas quoi faire. Il jetait des objets par la vitre de sa voiture en s’éloignant de la scène du crime et ensuite, il revenait sur la route pour les ramasser et ne laisser aucune trace.

Mais c’était également un psychopathe rusé et sans pitié. Il pouvait être aussi invisible qu’il le voulait et pouvait manipuler les gens autour de lui, amis, amantes, famille, policiers, gardiens de prison, avocats, groupies…

Citations

– “Ted a toujours été le meilleur des fils. Il a toujours été très attentionné. Parfois, je me demandais s’il oublierait la fête des Mères, avec la vie agitée qu’il menait. Mais il se débrouillait toujours pour venir avec un cadeau. (…) Il a toujours voulu être policier ou avocat” : Louise Bundy, mère de Ted Bundy.

– “Vous me demandez ce qu’un tueur ressent lorsqu’il traque sa proie ? C’est difficile à dire. Comment vous expliquer le goût de certaines choses… Comment décrire le goût d’une quiche ou celui d’une bouillabaisse ?” : Ted Bundy.

– “La personne avec laquelle j’ai grandi ne peut pas avoir fait les choses qu’ils affirment qu’il a faites. Je ne peux pas réconcilier l’image du tueur en série et du gamin qui courait jusqu’au porche de ma maison lorsque la première neige tombait en novembre, tout excité d’aller skier. Entre ces deux images, quelque chose s’est passé. Clairement, quelque chose a explosé” : Terry Storwick, ami d’enfance de Ted Bundy.

Au moment où il commettait ces viols, il avait le sentiment de posséder entièrement sa victime, “comme on possède une plante en pot, un tableau, ou une Porsche. C’était pour ainsi dire, être propriétaire de cette personne” : Ted Bundy.

– “Quelqu’un de vraiment habile, avec un peu d’argent, pourrait probablement passer inaperçu indéfiniment. Ma théorie a toujours été que pour chaque personne arrêtée et inculpée pour homicides multiples, il y en a sans doute au moins cinq autres en liberté” : Ted Bundy.

– “Tant qu’il fonctionne comme un avocat, tout est vraiment bien avec Ted. Puis, lorsque quelque chose lui rappelle qu’il est le prisonnier, vous sentez ces éclairs de colère, d’hostilité. Il veut toujours être la superstar. Mais il n’est bon que dans le premier quart du jeu dans lequel il est. Ensuite, il se passe quelque chose” : Le procureur d’Aspen, Colorado.

– “Je ne me sens coupable de rien… Je plains ceux qui se sentent coupables… Je suis un salopard sans pitié” : Ted Bundy.

Author

alice.peschon@gmail.com

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