Albert Fish (Article non-censuré)
Albert Fish
Nom : Albert Hamilton Fish
Surnom : « The Gray Man » (« l’homme gris »), « The Werewolf of Wysteria » (le loup-garou de Wysteria »), « The Broolyn Vampire » (« le vampire de Brooklyn »)
Né le : 19 mai 1870 à Washington (DC) — États-Unis
Mort le : 16 janvier 1936, exécuté au pénitencier de Sing Sing (New York).
Informations personnelles
Albert Hamilton Fish est né le 19 mai 1870 à Washington D.C. Son véritable nom était Hamilton Fish, et il affirmait qu’il avait reçu ce prénom en hommage à un parent éloigné qui était le secrétaire d’État du Président Grant. Fatigué d’être taquiné à cause de son prénom (on le surnommait « Ham and Eggs » —« œufs au bacon »), il l’avait changé pour s’appeler Albert.
Selon ses propres mots, son père était « le capitaine Randall Fish, franc-maçon 32e degré, enterré dans le carré de la « Grande Loge » au cimetière du Congrès. C’était un capitaine de marine, sur le fleuve Potomac, qui se rendait de Washington à Marshall Hall, en Virginie ». En fait, ancien capitaine d’un bateau, Randall Fish était devenu producteur d’engrais en 1870.
Albert Fish était le plus jeune d’une fratrie de 4 enfants. Il semble qu’aucun d’entre eux n’a été violenté par ses parents.
Randall Fish avait 43 ans de plus que son épouse, une immigrée irlandaise.
Lorsque le père d’Albert Fish mourut le 15 octobre 1875, à l’âge de 75 ans, sa mère, qui devait à présent trouver un emploi et nourrir 4 enfants, dut se résoudre à confier le jeune Albert à l’orphelinat Saint John. Selon Fish, il y fut frappé et fouetté… et découvrit qu’il aimait ressentir la douleur physique. Être battu provoquait chez lui une érection, ce dont les autres enfants ne cessaient de se moquer. « C’est là que j’ai commencé à mal tourner. Nous avons été impitoyablement fouettés. J’ai vu des garçons faire bien des choses qu’ils n’auraient pas dû faire ».
Fish resta à l’orphelinat de 5 ans à 9 ans : en 1880, sa mère trouva un emploi de fonctionnaire et le reprit avec elle.
En 1882, alors âgé de 12 ans, il entra en relation avec un adolescent qui lui fit découvrir des pratiques étranges telles que la coprophagie (manger ses excréments et/ou boire son urine).
Fish se mit également à fréquenter les bains publics, où il pouvait regarder d’autres garçons se déshabiller. Il y passait presque tous ses week-ends.
Il eut ses premières « relations sexuelles » à l’âge de 17 ans, lorsqu’il devint peintre. Il utilisa sa profession pour travailler dans des établissements où se trouvaient des enfants ou des adolescents qu’il violait : les YMCA, les maisons pour les jeunes tuberculeux, les églises…
Son emploi de peintre lui permettait également de se déplacer facilement d’une localité à une autre, pour passer d’un chantier à un autre. Il n’avait qu’à jeter ses pinceaux dans son sac et filer… même si parfois il avait dû s’enfuir si rapidement qu’il avait laissé son équipement sur place. Il allait expliquer par la suite qu’« après un épisode particulièrement brutal », il était directement parti dans un autre état. Il a vécu dans 23 états différents, de New York au Montana.
Fish allait continuer à violer des enfants de cette manière durant cinquante années.
En 1890, à l’âge de 20 ans, Albert Fish partit vivre à New York. Il s’y livra à la prostitution, passant du temps avec d’autres hommes pour de l’argent. Il fit également un voyage à Bruxelles, où il visita des maisons closes spécialisées dans la flagellation et autres actes sadomasochistes. À son retour aux États-Unis, Fish commença à « faire toutes ces choses » à ses jeunes victimes.
Il ne voulait pas tant des relations sexuelles avec ces enfants que leur infliger des sévices et leur faire ressentir de la douleur.
Nombre de ses victimes étaient des enfants de familles pauvres. Fish expliqua même plus tard qu’il choisissait des enfants noirs, car il savait que les autorités n’enquêtaient que très rarement lorsqu’ils étaient blessés ou disparaissaient. Une fois, Fish attacha un garçon noir dans une cabane située au bord du Potomac, à Washington DC, le torturant durant plusieurs semaines. Il avait l’intention de le tuer, mais changea finalement d’avis et le laissa partir. Une autre fois, il attacha un jeune garçon et le fouetta brutalement. Il le laissa également partir, mais les parties génitales de sa victime saignaient si abondamment que Fish craignit qu’il meure et préféra quitter la ville.
Lorsqu’il eut assez d’argent pour louer un appartement, en 1894, Albert Fish fit venir sa mère à New York, où ils vécurent dans le même appartement. En 1898, il épousa une jeune femme de 19 ans dont il s’était assuré qu’elle appréciait, au moins dans une certaine mesure, ses préférences sexuelles… Son épouse Anna et lui eurent 6 enfants : Albert Jr, Anna, Gertrude, Eugene, John et Henry.
En 1903, la mère d’Albert Fish mourut. La même année, à 33 ans, il fut arrêté pour détournement de fonds, escroquerie (il travaillait alors dans une épicerie) et incarcéré au pénitencier de « Sing Sing » durant 16 mois.
Mais il semble qu’il fut par la suite capable de maintenir une façade de normalité, car le mariage, tant bien que mal, dura 20 ans.
En 1911, Albert Fish, qui vivait alors à Saint Louis, rencontra Thomas Bedden, un jeune homme de 19 ans handicapé mental et sans abris qui paraissait plus jeune que son âge. Fish le ramena dans la chambre qu’il louait et, comme le jeune homme était couvert de poux, Fish le rasa des pieds à la tête. Durant 3 semaines, ils se livrèrent à « toutes sortes d’activités sadiques et masochistes l’un sur l’autre ».
Fish demanda à Bedden de le fouetter et d’uriner sur lui, il but son urine et mangea ses excréments, puis le força à faire de même. Plus tard, Fish coupa les fesses du jeune homme avec une lame de rasoir et tenta de boire le sang qui en coulait. Finalement, Fish attacha Bedden puis commença à lui couper le pénis avec une paire de ciseaux. Mais, comme Fish le raconta plus tard, le jeune homme « lui jeta un tel regard suppliant que Fish ne put le supporter ».
Il noua un chiffon sur la blessure, laissa un billet de 10 $ sur le lit puis quitta la ville.
Le 19 janvier 1917, alors que leur plus jeune fils, Henry, n’avait que 3 ans, l’épouse d’Albert Fish le quitta pour un autre homme, John Straube. Ils emportèrent les meubles avec eux, mais pas les enfants. Ces derniers, lorsqu’ils revinrent à la maison, trouvèrent simplement une note leur indiquant d’appeler leur père, qui vivait alors à White Plains, dans le comté de Westchester (New York) où il peignait une église.
Anna Fish revint 3 mois plus tard, affirmant que son amant la battait, et Fish accepta qu’elle reprenne sa place au foyer. Mais, quelques jours plus tard, Fish découvrit qu’elle avait en fait caché John Straube dans le grenier… L’épouse et l’amant partirent, cette fois pour de bon, et Albert Fish s’occupa seul des enfants.
Peu après le départ de son épouse, alors qu’il approchait de la cinquantaine, il semble que ses délires malsains échappèrent à tout contrôle. Entre autres choses, il devint obsédé par le fait de castrer puis de tuer un jeune garçon afin de faire pénitence pour ses propres péchés, il s’intéressa à l’idée de l’expiation par la punition et la douleur… Fish était un homme très religieux, même s’il avait une version totalement déformée et pervertie de la Bible. Lorsqu’il était enfant, il avait voulu devenir prêtre.
Il commença à avoir des visions du Christ et commença à entendre des voix murmurer des mots tels que « coup de fouet », « récompense », « délice » ou « châtié », qu’il interpréta comme des commandements divins : il devait torturer et tuer. Il se mit également à interpréter des passages de la Bible dans son propre délire : « Heureux est l’homme qui corrige le fils qu’il chérit avec un fouet, car grande sera sa récompense » ou « Heureux celui qui prend les petits et leur fracasse la tête contre des pierres ».
Un jour, il s’enroula dans un tapis, expliquant à l’une de ses filles qui l’avait surpris qu’il suivait « les instructions de l’apôtre Jean ».
En 1922, il emmena ses enfants dans la ville de Greenburgh, comté de Westchester, où il travaillait comme peintre. À quelques centaines de mètres du bungalow qu’il louait se trouvait une grande maison que les habitants de la ville nommaient le « Wisteria Cottage ».
Durant l’été, Albert Fish monta en haut d’une colline voisine et, parvenu à son sommet, il brandit les poings vers le ciel et se mit à hurler « Je suis le Christ ! ».
En 1925, l’un de ses fils, John, le vit s’enfoncer délibérément des aiguilles dans le corps. En 1929, Albert Jr découvrit également des pagaies ensanglantées cachées derrière l’évier de la cuisine d’un autre appartement qu’il partageait à nouveau avec son géniteur.
En 1934, il surprit son père en train de se frapper avec une pagaie cloutée puis trouva des dizaines d’aiguilles cachées dans l’appartement qu’il partageait avec son père. Lorsque son fils lui demanda des explications, Albert Fish lui répondit qu’il aimait s’enfoncer des aiguilles dans le corps. « Quand je ne peux pas les enfoncer en moi, j’aime torturer d’autres gens avec elles. »
Crimes et châtiment
Le 11 juillet 1924, Albert Fish observa Beatrice Kiel, 8 ans, alors qu’elle jouait seule dans la ferme de ses parents, dans le quartier champêtre de Charlton Woods, au nord de Staten Island. Il lui offrit de l’argent pour l’aider à trouver de la rhubarbe dans les champs voisins. Elle s’apprêtait à l’accompagner lorsque sa mère les aperçut et chassa Fish. Il partit, mais revint un peu plus tard dans la grange des Kiel pour y passer la nuit, avant d’être découvert par Hans Kiel, qui le mit dehors.
Le 14 juillet 1924, Francis McDonnell, 8 ans, jouait devant sa maison, lui aussi à Charlton Woods, Staten Island. Sa mère était assise sur le porche, sa petite fille sur les genoux, lorsqu’elle vit un vieil homme maigre, cheveux gris et moustache grise, au milieu de la rue. Elle observa le vieil homme aux vêtements élimés qui serrait et desserrait ses poings en marmonnant pour lui-même. L’homme tapota son chapeau poussiéreux et disparu en bas de la rue.
En fin d’après-midi, le vieil homme fut aperçu à nouveau alors qu’il regardait Francis McDonnell jouer au football avec 4 autres garçons. L’homme demanda à Francis de le rejoindre et échangea avec lui quelques mots alors que les autres garçons continuaient leur match. Quelques minutes plus tard, les enfants réalisèrent que le vieil homme et Francis avaient disparu. Un voisin remarqua un garçon qui ressemblait à Francis, marchant dans un endroit boisé, avec un vieil homme aux cheveux gris, qui ressemblait à un clochard.
Personne ne remarqua la disparition de Francis jusqu’au dîner. Son père, qui était policier, organisa les recherches. Ils trouvèrent le corps du jeune garçon dans un bois, caché sous des branches. Ses vêtements avaient été arrachés et il avait été étranglé avec ses bretelles. Il avait été frappé si violemment que la police douta que le « vieux clochard » ait pu être aussi âgé et aussi frêle qu’il en avait l’air. À moins que le vieil homme ait eu un complice…
Les experts en empreintes digitales et les photographes de la police de Manhattan se rendirent rapidement sur les lieux et 250 policiers furent assignés à cette affaire.
Une immense chasse à l’homme permit de découvrir plusieurs suspects prometteurs, mais aucun ne ressemblait au « clochard » moustachu aux cheveux gris. Son visage était inscrit dans la mémoire de la mère de Francis.
« Il a descendu la rue en traînant des pieds, en marmonnant, faisant des gestes bizarres avec ses mains. Je n’oublierai jamais ces mains. J’ai frémi en les regardant… La manière dont elles s’ouvraient et se fermaient, s’ouvraient et se fermaient, s’ouvraient et se fermaient. Je l’ai vu regarder Francis et les autres. J’ai vu ses épais cheveux gris et sa moustache tombante. Tout en lui paraissait délavé et gris. »
Malgré les énormes efforts de la police et des habitants de Charlton Woods, « l’Homme Gris » ne fut pas retrouvé.
Le 11 février 1927, un petit garçon de 4 ans, Billy Gaffney, jouait dans l’allée devant son appartement de Brooklyn avec l’un de ses voisins, Billy Beaton, 3 ans. Un troisième enfant, âgé de 12 ans, rejoignit les garçons, mais remonta dans son appartement en attendant sa petite sœur pleurer. Lorsqu’il redescendit quelques minutes plus tard, il remarqua que les deux Billy étaient partis et prévint le père du plus jeune. Un peu affolé, M. Beaton les chercha un moment et finit par trouver son fils, seul, sur le toit de l’immeuble.
– Où est Billy Gaffney ? demanda le père.
– Le croque-mitaine l’a emmené.
Le lendemain, lorsque les policiers commencèrent à chercher Billy Gaffney, ils ignorèrent le jeune témoin. Les enquêteurs pensèrent d’abord que Billy avait erré jusqu’à des bâtiments industriels proches, ou pire, qu’il était tombé dans le canal Gowanus, un peu plus loin. Des voisins organisèrent des recherches et on dragua le canal, mais Billy ne fut pas retrouvé.
Finalement, quelqu’un écouta Billy Beaton, qui avait décrit le « croque-mitaine ». C’était un vieil homme gracile, avec des cheveux gris et une moustache grise.
La police chercha le vieil homme et le petit garçon durant des semaines, mais ne relia malheureusement pas la disparition de Billy Gaffney avec celle de Francis McDonnell. Les enquêteurs acceptèrent même l’aide de plusieurs médiums, sans résultat.
Après son arrestation en 1928, Peter Kudzinowski, un autre tueur en série agissant lui aussi dans le New Jersey à la même époque, fut suspecté du meurtre de Billy Gaffney.Kudzinowski avait assassiné un petit garçon, Harry Quinn, à Scranton, en 1924 ; puis Joseph Storella, 7 ans, à New York, et Julia Mlodzianowski, 5 ans, au Lake Hopatcong en 1928. Il fut exécuté en décembre 1929, à l’âge de 26 ans.
En 1928, Fish attira un garçon de 14 ans dans un endroit isolé, qu’il avait repéré auparavant, à la campagne. Il avait l’intention de l’attacher, de le castrer, de le fouetter jusqu’à l’inconscience, puis de le laisser saigner à mort. « Mais au dernier moment, une automobile est venue, donc j’ai vu que c’était trop dangereux et j’ai abandonné cette idée ».
Edward Budd était un jeune homme de 18 ans, dynamique et travailleur. Piégé dans une ville nauséabonde et surpeuplée, dans un petit appartement misérable et mal isolé, rendu irrespirable par les chaleurs estivales, avec ses parents et ses 4 frères et sœurs, il voulait échapper à la pauvreté et contribuer au bien-être de sa famille. Edward avait décidé de joindre l’utile à l’agréable : il voulait travailler à la campagne, où l’air était pur, et rapporter quelques dollars à ses parents.
Le 25 mai 1928, il publia donc une annonce dans un journal, le « New York World », proposant ses services comme garçon de ferme.
Le 28 mai, sa mère, Delia, ouvrit la porte à un vieux monsieur. Celui-ci se présenta sous le nom de Frank Howard, un fermier de Farmingdale, Long Island, qui voulait discuter avec Edward au sujet de son futur emploi.
Delia demanda à Beatrice, sa petite fille de 5 ans, d’aller chercher son grand frère qui était chez un ami. Le vieux monsieur lui sourit et lui donna une pièce.
Pendant qu’ils attendaient Edward, Delia put observer le vieux monsieur. Il avait un visage doux, des cheveux gris et une grosse moustache. Le vieux monsieur expliqua à Mme Budd qu’il avait longtemps travaillé comme décorateur à la ville puis s’était retiré dans une ferme qu’il avait achetée avec l’argent qu’il avait mis de côté. Il avait six enfants qu’il avait élevés seul, sa femme l’ayant abandonnée plus d’une dizaine d’années auparavant.
Avec l’aide de ses enfants, cinq ouvriers agricoles et un cuisinier suédois, il avait transformé la ferme en un bel élevage de plusieurs centaines de poulets et une demi-douzaine de vaches laitières. L’un de ses ouvriers s’en allait et il avait besoin de quelqu’un pour le remplacer.
Edward arriva enfin et rencontra M. Howard, qui remarqua sa grande taille et sa force. Edward assura au vieil homme qu’il était un bon travailleur. M. Howard lui offrit de le payer 15 $ par semaine (une belle somme, à l’époque), ce qu’Edward accepta avec joie. M. Howard accepta même d’embaucher Willie, le meilleur ami d’Edward.
M. Howard devait partir pour un autre rendez-vous, mais promit de revenir le samedi, afin de les emmener. Les deux jeunes hommes étaient ravis et les Budd heureux du bon emploi que ce vieux gentleman avait offert si rapidement à leur fils.
Malheureusement, M. Howard ne vint pas le samedi 2 juin. Il envoya à la famille Budd un télégramme pour s’excuser, expliquant qu’il allait plutôt venir le lendemain matin.
Le dimanche, vers onze heures, Frank Howard se présenta à l’appartement des Budd avec des fraises et un pot de crème fraiche. « Ce sont des produits qui viennent directement de ma ferme », expliqua-t-il.
Delia Budd persuada le vieux monsieur de rester pour le déjeuner. Pour la première fois, son mari, Albert, eut l’opportunité de discuter avec le futur employeur de son grand fils. Le vieux monsieur lui parla gentiment, poliment, et décrivit de manière idyllique les 20 acres de son domaine, son équipe d’ouvriers agricoles sympathiques et une vie campagnarde simple et saine. Albert Budd songea que M. Howard, malgré son costume bleu défraichi, semblait sincère et distingué.
Lorsqu’ils s’assirent pour manger, la porte de l’appartement s’ouvrit et une très jolie fillette de 10 ans fit son apparition en chantonnant. Revenant de la messe, Grace Budd avait revêtu ses « habits du dimanche ». Une jolie robe de communion en soie blanche, des bas en soie et un collier de perles la faisaient paraître un peu plus âgée que ses 10 ans.
Frank Howard, comme toutes les personnes qui rencontraient « Gracie », la trouva ravissante. « Voyons si tu sais bien compter » lui dit-il en lui tendant des pièces et des billets. Les Budd, qui avaient bien du mal à terminer le mois, furent abasourdis par la somme d’argent que le vieil homme portait sur lui.
« Quatre-vingt-douze dollars et cinquante cents », lui répondit Gracie.
« Quelle petite fille intelligente ! », ajouta M. Howard, en lui offrant les cinquante cents pour s’acheter des bonbons.
Frank Howard expliqua ensuite qu’il allait revenir chercher Edward et Willie, mais qu’il devait d’abord se rendre à la fête d’anniversaire que sa sœur organisait pour l’une de ses filles. Il donna deux dollars aux garçons pour qu’ils aillent au cinéma.
Alors qu’il s’apprêtait à partir, il invita Grace à l’accompagner à l’anniversaire de sa nièce. Il affirma à ses parents qu’il prendrait soin d’elle et qu’ils reviendraient tous les deux avant 21 heures.
Delia Budd demanda à M. Howard où vivait sa sœur et il répondit qu’elle possédait un appartement entre Columbus et la 137e Rue.
Delia et Albert Budd hésitèrent un instant. Impressionnés par la réussite et l’argent de « Monsieur Howard », ils ne voulaient pas offenser leur invité en suggérant qu’ils ne pouvaient pas lui faire confiance. Albert Budd convainquit son épouse qu’une sortie serait bonne pour Gracie. « Laisse là aller, cette pauvre petite. Elle n’a pas souvent l’occasion de s’amuser ».
Delia aida donc Gracie à enfiler son plus beau manteau et un petit chapeau gris. Elle suivit Gracie et M. Howard dehors, et les regarda disparaître au coin de la rue.
Lorsque Grace ne réapparut pas cette nuit-là, les Budd furent inquiets, mais se rassurèrent en se disant que la fête avait duré plus longtemps que prévu et que leur fille avait dû dormir chez la sœur de M. Howard. Ils tentèrent de s’en convaincre à nouveau lorsque Gracie ne revint pas non plus le lendemain matin.
N’y tenant plus, les Budd envoyèrent Edward au poste de police le plus proche. Lorsqu’Edward lui expliqua comment sa jeune sœur avait disparu, le lieutenant de police Samuel Dribben lui annonça tristement que l’adresse que « Frank Howard » avait donnée pour la maison de sa soi-disant sœur n’existait pas.
Il ne fallut pas longtemps à la police pour découvrir qu’il n’existait pas plus de « Frank Howard » que de ferme à Long Island. Cela signifiait également qu’il n’y avait pas d’indices tangibles pouvant révéler l’identité du kidnappeur. L’homme avait bien couvert ses traces, allant même jusqu’à récupérer le télégramme qu’il avait envoyé aux Budd le 2 juin. Il avait affirmé qu’il allait se plaindre auprès de Western Union parce qu’il avait soi-disant été incorrectement adressé.
Le Detective Dribben et ses collègues se mirent alors en quête de la note manuscrite originale du télégramme. C’était le seul lien qui existait avec le kidnappeur de Gracie et trois employés des services postaux passèrent plus de 15 heures avec les policiers à chercher parmi des dizaines de milliers de duplicata jusqu’à trouver celui que « Frank Howard » avait envoyé. Le télégramme avait été envoyé depuis un bureau de East Harlem. Les enquêteurs songèrent d’abord à fouiller chaque maison de ce quartier puis abandonnèrent l’idée, faute de personnels disponibles.
Samuel Dribben se concentra alors sur un autre indice, tout aussi mince : la crème et les fraises que « Frank Howard » avait apportées à Mme Budd. Les enquêteurs parcoururent East Harlem jusqu’à ce qu’ils trouvent le delicatessen où « Howard » avait en fait acheté le fromage et le vendeur ambulant qui lui avait vendu les fraises. Le vendeur décrivit le « vieil homme moustachu », mais ne put se souvenir de quoi que ce soit d’autre à son sujet. Les policiers pensèrent que « Frank Howard » résidait dans le quartier ou, du moins, le connaissait bien. Ils vérifièrent les chambres à louer, les restaurants, les coiffeurs, les kiosques à journaux…
La piste ne mena à rien.
La police vérifia tout ce que « Frank Howard » avait affirmé aux Budd. Les enquêteurs montrèrent aux parents éplorés les photos des criminels violents et des délinquants sexuels connus, des patients des hôpitaux psychiatriques récemment libérés… Sans résultat.
Il n’y avait aucune trace de Gracie.
Le 7 juin 1928, la police de New York envoya une note en un millier d’exemplaires à tous les services de police des États-Unis et du Canada, accompagnée de la photo de Grace et d’une description de M. « Howard ». Puis des milliers furent placardées à New York, dans les stations de métro, les terminaux des ferries, dans les banques, les coiffeurs, les postes, les épiceries et les restaurants.
La photo de Gracie apparue sur la première page de tous les journaux, permettant de recueillir des centaines de renseignements, de pistes et de conseils de la part d’une population paniquée. Les enquêteurs furent submergés d’appels et de signalements de personne ayant vu Gracie à travers tout le pays, mais aussi de lettres de fous ou de mauvais plaisantins, qui durent malgré tout être vérifiées par les policiers assignés à cette affaire. Accaparés par les rumeurs, les fausses pistes et les suspects éventuels, les enquêteurs ne décelèrent pas, là non plus, la connexion entre les meurtres : « L’homme gris ».
Des milliers de circulaires furent imprimés et distribués aux départements de police à travers les États-Unis et le Canada, malheureusement sans résultat.
Delia Budd rencontra tous les journalistes qui se présentèrent à elle et leur parla de Gracie, dans l’espoir que leurs articles aideraient la police à retrouver sa fille.
Mais, à mesure que le temps passa, ses espoirs, et ceux des policiers, s’amoindrirent. Les gros titres consacrés à la disparition de Grace furent remplacés par d’autres : l’été 1928 fut l’un des plus chauds du siècle et des dizaines de personnes moururent ; Amelia Earhart fut la première femme à traverser l’Atlantique en avion ; Roald Amundsen, « découvreur » du pôle Sud, disparut en cherchant à retrouver le dirigeable d’un explorateur italien en Arctique ; Johnny Weissmuler, futur Tarzan à l’écran, remporta le 100 m aux JO d’Amsterdam… À la fin du mois de juillet 1928, l’affaire Grace Budd n’avait déjà plus droit qu’à quelques entrefilets et le « Grand Public » commençait déjà à l’oublier.
Deux mois après la disparition de Grace, même les enquêteurs les plus dévoués avaient abandonné et la plupart avaient été assignés à d’autres crimes.
Seul William King, detective lieutenant du « Bureau des Personnes disparues », un homme aussi tenace que coriace, était déterminé à retrouver la petite fille.
Vétéran de la Première Guerre mondiale, King était déjà une légende parmi les forces de l’ordre new-yorkaises. Il fut le seul enquêteur qui ne perdit jamais espoir. Il ne se passa pas une journée sans qu’il ne pense à Gracie et à ses parents. Régulièrement, il revenait sur le dossier, cherchant de nouvelles pistes, en suivant d’anciennes, passant d’innombrables appels.
À un moment, King crut avoir trouvé le coupable lorsqu’il reçut un dossier sur un escroc et faussaire aux cheveux gris, Albert Corthell.
Un surveillant d’un pénitencier de Floride avait reçu la note décrivant Gracie et son kidnappeur. Il pensa que « Frank Howard » ressemblait en tout point à un ancien détenu libéré en 1926, un certain Albert Cothrell.
Ce dernier, un escroc plusieurs fois condamné, utilisait divers noms d’emprunt, avait une cinquantaine d’années, des cheveux gris et une constitution frêle. Il s’était plusieurs fois fait passer pour un médecin et avait convaincu des jeunes adolescentes de se faire passer pour sa fille, afin de se donner un air de respectabilité. Le surveillant pénitentiaire envoya une photo de Corthell à la police de New York, qui la présenta aux Budd. Le père, à moitié aveugle, ne put se prononcer avec certitude, mais Délia, la mère, affirma immédiatement qu’il s’agissait bien de « Frank Howard ».
Dans le même temps, le directeur d’une agence d’adoption vint prévenir la police qu’un homme d’apparence âgée avait tenté d’enlever une petite fille en faisant croire qu’il voulait l’adopter, et reconnu Albert Cothrell lorsqu’on lui présenta sa photo.
Un mandat d’arrêt fut donc lancé contre Cothrell et le lieutenant King se lança à sa poursuite. King le pista durant des mois, suivant chacune des pistes qui se présentaient, le pourchassant de ville en ville à travers le pays. Il arriva toujours trop tard.
En juin 1930, le detective King se rendit en Floride pour y retrouver un certain « Charles Howard ».
Ce cinquantenaire avait épousé une New-Yorkaise en vacances, puis ils s’étaient installés à New York, dans un appartement appartenant à la tante de la mariée.
Une semaine plus tard, Charles Howard avait disparu avec 2 800 $ de son épouse et 1 000 $ de la tante. King soupçonna Howard d’être en fait l’escroc Albert Corthell, car cette arnaque était « tout à fait son genre ».
King retrouva rapidement Howard en Floride. Il était mince, moustachu et grisonnant. King le ramena à New York, mais découvrit rapidement qu’il n’était pas Albert Cothrell. Il fut malgré tout inculpé de vol et King le présenta à Delia Budd et à Willie Korman (l’ami d’Edward qui avait rencontré « Frank Howard »). Willie ne put l’identifier, mais Delia Budd affirma le reconnaître. Les journaux titrèrent immédiatement que « Frank Howard » avait enfin été identifié. Toutefois, Charles Howard put prouver qu’il avait un solide alibi, car il se trouvait à l’autre bout du pays le jour de la disparition de Gracie.
En fait, Delia Budd, désespérée et désemparée, identifia plusieurs fois, à tort, des hommes censés être celui qui avait enlevé sa fille. Elle se trompa systématiquement, aveuglée par l’espoir de retrouver son enfant. Elle désigna même un enquêteur de la police.
Lorsque King parvint finalement à appréhender Albert Cothrell, en décembre 1930, dans le Missouri, ce fut pour découvrir… qu’il ne pouvait pas être son coupable : Corthell était en prison à Seattle (sur la côte nord-ouest) lorsque Grace avait été enlevée !
Corthell fut l’un des deux suspects les plus intéressants que King poursuivit durant six longues années. L’autre suspect, Edward Pope, fut arrêté en septembre 1930, mais, à la différence de Corthell, ce gérant d’un immeuble d’appartements de 67 ans fut inculpé de l’enlèvement de Gracie.
Le 3 septembre, Jessie Pope se présenta à la police pour accuser son époux d’avoir enlevé Grace Budd. Selon elle, alors qu’elle était séparée de son époux et vivait chez sa sœur, dans le New Jersey, Edward Pope s’était présenté à elle avec une petite fille brune. Son mari lui avait demandé de s’occuper de l’enfant « le temps qu’il règle quelques affaires », mais elle avait refusé et il était reparti avec la fillette.
Jessie Pope était tombé gravement malade juste après et, suite à des mois de convalescence, elle avait oublié la fillette… jusqu’à ce qu’elle lise un article sur « Charles Howard » dans les journaux.
Dès le lendemain, Edward Pope fut arrêté et inculpé de l’enlèvement de Gracie.
Une fois encore, Delia Budd identifia le suspect qu’on lui proposa. On découvrit qu’Edward Pope avait été interné dans un asile psychiatrique. Des policiers fouillèrent la vieille ferme que Pope possédait dans les Catskills (New York) et y trouvèrent, dans un garage, trois petites caisses qui contenaient des lettres écrites par des femmes, des photos de femmes et d’adolescentes dans des poses lascives, trois mèches de cheveux bruns nouées par un ruban blanc, une boîte de munitions pour revolver et une paire de chaussettes que Delia Budd reconnu comme celles de Gracie. Les enquêteurs pensèrent avoir enfin trouvé leur coupable.
Cependant, lors du procès d’Edward Pope, fin décembre 1930, le bel édifice s’effondra. Jessie Pope décrivit la petite fille qu’elle avait soi-disant vue avec son époux avec des vêtements qui ne correspondaient pas du tout à ceux que portait Gracie le jour de sa disparition. Elle admit également que son époux avait été interné à sa demande, car elle voulait capter l’argent dont il avait hérité de son père.
Madame Budd, principale témoin de l’accusation, admit qu’elle s’était trompée en affirmant qu’il était bien « Frank Howard » et que les chaussettes étaient en fait différentes de celles de sa fille. Pope expliqua qu’il avait récupéré les vêtements et les lettres des habitants de l’immeuble dont il était le concierge. Il avait gardé les vêtements pour ses 5 petits-enfants. Les cheveux avaient été coupés sur la tête de son fils lorsqu’il était petit, en souvenir.
Il s’avéra que Pope avait été accusé à tort du kidnapping par son ex-épouse, pour des questions d’argent et de rancœur. Il fut déclaré innocent et relâché.
Au moment où la police enquêtait sur Cothrell et Pope, un autre homme aux cheveux gris était arrêté à New York et inculpé pour avoir envoyé des lettres obscènes à de nombreuses femmes. Albert Fish avait été arrêté pour des délits mineurs en 1928 et avait depuis tenté de ne plus se faire remarquer, mais il avait un besoin compulsif d’écrire des lettres abjectes.
Au printemps 1929, Albert Fish avait prétendu être un producteur d’Hollywood à la recherche de femmes qui participeraient avec lui à des orgies sadomasochistes (bondage, flagellation et coprophagie) en échange d’une grosse somme d’argent. Il avait envoyé ses lettres à des femmes dont il avait trouvé les adresses par le biais d’agences matrimoniales ou d’annonces de rencontre.
[Alors qu’il n’avait pas divorcé de sa première épouse, Fish se maria le 6 février 1930 à Waterloo (état de New York) à Estella Wilcox… et divorça une semaine plus tard. Il épousa deux autres femmes durant cette année, mais divorça tout aussi rapidement].
En septembre 1930, il avait également envoyé une lettre obscène à une dame qui avait fait publier une annonce d’emploi de femme de ménage. La Cour précisa d’ailleurs que la lettre était « d’une nature si vile, obscène et dégoûtante » qu’elle ne voulait pas la dévoiler en publique.
Jugé en décembre 1930, Fish fut envoyé à l’hôpital psychiatrique de Bellevue pour une observation de 10 jours. En fait, il y resta presque un mois, durant l’hiver 1930/1931. Il était poli et coopératif, les médecins jugèrent qu’il était sain d’esprit et intelligent, bien que frappé par des problèmes sexuels qu’ils attribuaient à une démence causée par son âge… Les psychiatres conclurent qu’il n’existait « aucun indice de notions délirantes ou d’expériences hallucinatoires. (…) Sa mémoire, particulièrement pour un homme de cet âge, est excellente. (…) M. Fish ne montre aucun signe de détérioration mentale ou de démence. (…) Cet homme n’est pas fou ».
Albert Fish se montra poli, respectueux, coopératif et très calme. Considéré inoffensif, il fut libéré et confié à la garde de sa fille Anna. Les psychiatres de Bellevue n’étaient pas les premiers à s’être fait berner par l’apparence chétive de Fish, sa douceur et son mince sourire.
Quelque temps plus tard, Fish s’installa avec son aîné, Albert Junior, qui était concierge dans un immeuble. Il sembla s’être assagi et aida son fils dans les menus travaux de l’immeuble. Mais, à partir de juin 1934, Albert Jr réalisa que son père n’allait pas mieux. Il savait déjà, depuis des années, que Fish aimait se fouetter et se frapper : il l’avait surpris dans l’acte à plusieurs reprises. Mais il découvrit que son père s’était fabriqué une planche à clous pour se frapper jusqu’au sang, ainsi qu’un « chat à neuf queues » en cuir. Son père avait parfois des envies de viande crue et se réveillait en hurlant à cause de terribles cauchemars. Albert Junior finit par demander à son père de partir et Fish alla s’installer dans une pension de famille.
En 1934, le dossier de la disparition de Grace Budd était toujours ouvert même si personne n’espérait plus qu’il ne soit jamais résolu.
Seul le lieutenant William King continuait l’enquête. Il avait parcouru tout le pays, d’est en ouest et du nord au sud, suivant la moindre piste, la plus mince rumeur. Il avait poursuivi tous les suspects possibles, sans résultat.
Il avait également demandé à certains journalistes d’écrire des articles sur Grace Budd, avec de soi-disant nouvelles informations, afin que la petite fille ne tombe pas dans l’oubli. À chacun de ces articles, la police recevait des dizaines d’appels et de lettres, jusqu’ici sans succès.
Fin octobre 1934, King demanda à un journaliste du « New York Daily Mirror », un tabloïd à grand tirage, de publier un article contenant une fausse allégation selon laquelle l’enquête avançait. Ce qui fut fait le 2 novembre : « J’ai discuté avec la police concernant le mystère Grace Budd. Elle avait 10 ans lorsqu’elle a été kidnappée il y a 6 ans. Et l’on peut dire que le “Département des Personnes disparues” va résoudre l’affaire, ou espère le faire, dans quatre semaines ».
Dix jours plus tard, Delia Budd reçut une lettre postée de Manhattan, que son manque d’éducation ne lui permit pas, heureusement, de lire. Son fils Edward la lut à sa place et courut immédiatement la donner au Detective King.
La lettre était tout simplement abominable :
« Chère Madame Budd, En 1894, un ami à moi navigua comme matelot sur le bateau à vapeur Tacoma, Capitaine John Davis. Ils partirent de San Francisco et se rendirent rendirent à Hong Kong, Chine. À leur arrivée, lui et deux autres débarquèrent à terre et se saoulèrent. Lorsqu’ils revinrent, le bateau était parti. À cette époque, il y avait une famine en Chine. Toutes sortes de viande étaient vendues de 1 $ à 3 $ la livre. La souffrance était si grande parmi les très pauvres que tous les enfants en dessous de 12 ans étaient vendus comme nourriture pour que les autres ne meurent pas de faim. Un garçon ou une fille de moins de 14 ans n’était pas en sécurité dans la rue. Vous pouviez aller dans n’importe quelle boutique et demander un steak ou de la viande bouillie. Des morceaux du corps d’un enfant étaient apportés et vous pouviez choisir la partie qui vous convenait. Les fesses d’un garçon ou d’une fille, qui est la partie la plus tendre du corps, étaient vendues en escalopes et coutaient le plus cher.
John resta si longtemps qu’il acquit un goût pour la chair humaine. À son retour à New York, il enleva deux garçons de 7 et 11 ans. Il les ramena chez lui, les déshabilla et les attacha dans un placard. Il brûla ensuite tous leurs vêtements et, la nuit, il les fessa, les tortura, pour rendre leur chaire bonne et tendre.
Il tua d’abord le garçon de 11 ans, parce qu’il avait le cul le plus gros et bien sûr le plus de viande dessus. Chaque partie de son corps fut cuisinée et mangée, excepté la tête, les os et les entrailles. Il le rôtit dans le four (le cul), le bouilli, le grilla, le frit et en fit aussi un ragout. Le plus jeune garçon fut le suivant, de la même manière. À cette époque, je vivais au 409 Est. 100th street. Il m’avait répété tellement souvent à quel point la chair humaine était bonne que je me suis décidé à en goûter.
Le dimanche 3 juin 1928, je vous ai appelé au 406 West 15 th Street. Je vous ai apporté un pot de crème, des fraises. Nous avons déjeuné. Grace s’est assise sur mes genoux et m’a embrassé. J’ai décidé de la manger.
Sous le prétexte de l’amener à une fête. Vous Sous le prétexte de l’amener à une fête. Vous aviez dit Oui qu’elle pouvait partir. Je l’ai emmenée dans une maison vide à Westchester que j’avais déjà choisie. Lorsque nous sommes arrivés là, je lui ai dit de rester dehors. Elle a ramassé des fleurs sauvages. Je suis allé à l’étage et j’ai enlevé tous mes vêtements. Je savais que si je ne le faisais pas, ils seraient couverts de sang. Lorsque j’ai été prêt, je suis allé à la fenêtre et je l’ai appelée. Puis je me suis caché dans un placard jusqu’à ce qu’elle arrive dans la chambre. Lorsqu’elle m’a vu tout nu, elle a commencé à pleurer et a essayé de s’enfuir par les escaliers. Je l’ai attrapée et elle a dit qu’elle allait le dire à sa maman.
D’abord, je l’ai déshabillée. Comme elle m’a donné des coups de pied, mordu et griffé ! Je l’ai étranglée à mort, puis je l’ai coupée en petits morceaux pour pouvoir ramener la viande chez moi. Je l’ai cuisinée et mangée. Comme son petit cul était doux et tendre rôti dans le four. Cela m’a pris 9 jours pour manger son corps en entier. Je ne l’ai pas baisée alors que j’aurais pu si je l’avais voulu. Elle est morte vierge ».
Personne ne voulait croire que cette lettre atroce soit autre chose qu’un détestable canular. Ce devait être les divagations d’un pervers, d’un fou sadique. Mais le detective King remarqua que les détails de la rencontre entre Grace et son assassin, qui n’avaient pas été rendus publics, étaient tous exacts : le pot de crème, les fraises, le prétexte de la fête d’anniversaire…
King compara l’écriture de la lettre à celle de l’original du télégramme envoyé par « Frank Howard » aux Budd six ans auparavant. Elles étaient identiques.
William King utilisa un microscope sur la lettre et découvrit sur l’enveloppe un petit symbole hexagonal presque indiscernable sur l’enveloppe, ainsi que les lettres « N.Y.P.C.B.A. ». Une recherche dans le bottin téléphonique de Manhattan révéla que ces lettres étaient en fait le sigle de la « New York Private Chauffeur’s Benevolent Association » (l’association bénévole des chauffeurs privés de New York).
L’association ouvrit évidemment ses dossiers à l’inspecteur King qui passa avec ses hommes des heures et des heures à vérifier l’écriture et l’éventuel passé criminel des 400 employés. Ils ne trouvèrent rien. King décida alors de réunir tous les employés et de les interroger. Il ajouta également qu’il cherchait des informations sur cette affaire et offrait l’immunité à quiconque aurait volé du papier à lettres de l’association pour ses besoins personnels…
Quelques minutes plus tard, un jeune chauffeur nommé Lee Sicowski vint le rejoindre dans l’un des bureaux de l’association. Le jeune homme expliqua au detective King qu’il lui était arrivé « d’emprunter » les lettres et enveloppes de l’association pour les emmener chez lui. Il en avait laissé dans la « pension de famille » où il vivait auparavant, au 200 East 52e Rue.
La propriétaire de la pension, Mme Frieda Schneider, expliqua que l’ancienne chambre de Sicowski avait été récemment occupée par un homme qui ressemblait à la description de « Frank Howard ».
Son nom était Albert Fish. L’inspecteur King vérifia scrupuleusement la signature de Fish dans le registre et fut convaincu que l’écriture était la même que celle des lettres envoyées aux Budd. L’homme avait quitté la pension deux jours plus tôt.
La propriétaire mentionna que Fish lui avait demandé si elle avait reçu pour lui une lettre qu’il attendait de son fils, qui travaillait pour le « Civilian Conservation Corps » (le Service civil pour la Nature) de Caroline du Nord. Le fils envoyait régulièrement de l’argent à son vieux père…
Le lieutenant King décida d’attendre patiemment qu’Albert Fish fasse son apparition. Un jour passa, puis un second. King s’inquiétait que Fish ne contacte pas son ancienne propriétaire. Il craignait de l’avoir fait fuir… pour toujours.
Mais le 13 décembre 1934, Frieda Schneider appela le detective King. Albert Fish était à la pension, pour recevoir sa lettre. Le vieil homme buvait tranquillement un thé lorsque King ouvrit la porte. Il se leva et, lorsque le policier lui demanda s’il était bien Albert Fish, il acquiesça. Fish plongea la main dans sa poche et en sortit une lame de rasoir avec laquelle il tenta de menacer le policier. Mais William King lui saisit le poignet et l’immobilisa en le lui tordant.
« Frank Howard » avait enfin été arrêté.
Au départ, le lieutenant King se demanda si Fish, qui ne pesait pas plus de 60 kilos et mesurait 1m65, était vraiment le kidnappeur. Il semblait si fragile et âgé, incapable de faire du mal à une mouche. Il demanda alors à Albert Fish s’il avait bien envoyé l’horrible lettre au Budd, et Fish répondit par l’affirmative. Il reconnut être également l’auteur du télégramme envoyé aux Budd en 1928. Mais il nia pourtant avoir enlevé Gracie.
Toutefois, lorsque King lui annonça qu’il allait le présenter à tous les témoins de l’affaire, à la famille Budd, aux vendeurs de crème fraiche et de fraise, au télégraphiste, Fish lui demanda de « ne pas les déranger ».
Et il admit avoir enlevé puis tué Grace Budd.
Albert Fish expliqua d’une voix monocorde et sans émotion que, durant l’été 1928, il avait été submergé par ce qu’il appelait une « soif de sang », un besoin de tuer. Lorsqu’il avait répondu à l’annonce d’Edward Budd, c’était le jeune homme et non sa petite sœur qu’il avait l’intention de tuer. Il voulait l’emmener dans la maison abandonnée, lui couper le sexe et le laisser agoniser alors qu’il perdrait son sang…
Après avoir quitté la maison des Budd, Fish avait acheté les outils dont il pensait avoir besoin pour mutiler Edward Budd et son ami Willie : un hachoir, une scie et un couteau de boucher. Il avait emballé ses instruments dans un paquet qu’il avait caché dans un kiosque à journaux avant de revenir chez les Budd pour la seconde et dernière fois.
Lorsque Fish avait vu le jeune Edward, qui avait pourtant la taille et la force d’un adulte, et son ami, il s’était convaincu qu’il pourrait les maitriser. Il avait une grande expérience en la matière… C’est seulement en voyant la ravissante petite Grace qu’il avait changé d’avis, et de plan. Emmenant la petite fille avec lui, il avait récupéré son paquet au kiosque à journaux avant de prendre un train vers le Bronx puis le village de Worthington, dans le comté de Westchester, à 30 km au nord de New York. Pour Gracie, il n’avait acheté qu’un « aller simple ».
Grace avait été captivée par les 42 minutes de traversée de la campagne. Elle n’était sortie de New York que 2 fois dans sa courte vie. Ce fut un plaisir merveilleux pour elle.
À la gare de Worthington, Fish était tellement absorbé par son plan qu’il avait laissé son paquet d’outils dans le train. Grace le lui avait fait remarquer et était allé le chercher.
Ils avaient marché sur une route isolée jusqu’à ce qu’ils parviennent à une maison abandonnée à deux étages surnommée « Wisteria Cottage », au beau milieu d’un bois, isolée des rares maisons alentour. Alors que Grace cueillait joyeusement des fleurs, Fish était monté au second étage de la maison, avait ouvert son paquet puis s’était déshabillé. Il avait appelé Gracie, qui était monté avec son joli bouquet. Lorsqu’elle avait vu le vieil homme nu, elle avait crié, appelé sa mère et avait tenté de s’enfuir. Mais Fish l’avait saisie à la gorge et l’avait étranglée.
Il avait décapité la fillette, en prenant soin de récupérer le sang dans un pot de peinture vide, qu’il avait par la suite vidé dans le bois. Il avait caché les chaussures blanches de Grace dans le « trou d’aisance » de la maison et abandonné sa tête dans les bois, recouverte de papiers journaux.
Il avait ensuite coupé le petit corps en deux, au niveau de la taille, avec son hachoir et son couteau et l’avait caché dans une armoire. Il s’était nettoyé les mains en les frottant dans l’herbe puis avait repris le train pour rentrer chez lui, comme si de rien n’était.
Il était revenu quatre jours plus tard et avait porté le corps de Grace jusqu’à un mur situé derrière la maison. Il avait récupéré la tête dans les bois pour la déposer au-dessus du corps, « juste comme ça aurait dû être dans la vie, la tête, le torse, les jambes ». Il ne l’avait pas enterrée, mais s’était débarrassé de ses outils.
Après ses aveux, le detective King lui demanda ce qui l’avait mené à commettre un acte aussi horrible. Fish répondit : « Vous savez… Je n’ai jamais pu l’expliquer ». Le capitaine John Stein, le supérieur de William King, lui demanda alors pourquoi il avait écrit la lettre à Mme Budd et Fish lui répondit qu’il ne savait pas. « J’ai simplement une manie pour l’écriture ».
Les enquêteurs horrifiés se rendirent au « Wisteria Cottage » et retrouvèrent le squelette de Grace Budd, enterré derrière un mur de pierres, comme l’avait indiqué Albert Fish. Les policiers et le médecin légiste découvrirent du sang au 2e étage de la maison, là où Fish disait avoir décapité la jeune fille. Quelques jours plus tard, ils déterrèrent le collier en fausses perles que Gracie portait le jour de sa disparition.
Durant la nuit, Fish fut à nouveau interrogé, cette fois par l’assistant du procureur Francis Marro. Fish lui parla de la « soif de sang » qui l’avait poussé à tuer Gracie, mais ajouta « J’ai ressenti beaucoup de peine. J’aurai donné ma vie, à peine une demi-heure après ce que j’avais fait, pour la lui rendre ». Marro voulu savoir si Fish avait violé la fillette et Fish fut catégorique : « Ça ne m’a même pas traversé l’esprit ».
Personne ne demanda à Fish s’il avait vraiment mangé des parties du corps de Grace, comme il l’avait écrit sans sa lettre. Peut-être les policiers considérèrent-ils les allégations de Fish comme les délires malsains d’un sadique. Ou peut-être pensaient-ils que souligner cette abominable pratique permettrait à la défense de plaider la folie et l’irresponsabilité avec succès.
La famille Budd apprit la nouvelle de l’arrestation d’Albert Fish par les journalistes, qui envahirent littéralement leur appartement au beau milieu de la nuit. Après six ans et demi d’attente, ils en restèrent sans voix.
Le detective King vint chercher Albert et Edward Budd à 1 heure du matin pour identifier le « vieux monsieur ».
Arrivé au poste de police, Edward se jeta littéralement sur Fish en lui hurlant « Vieux salopard ! Sale fils de pute ! » Mais Albert Fish n’eut aucune réaction. « Vous ne me reconnaissez pas ? » demanda Albert Budd. Fish répondit calmement : « Si. Vous êtes Monsieur Budd ». M. Budd fondit en larmes. « Et vous, vous êtes l’homme qui est venu chez moi et qui a pris ma petite fille ».
Les enquêteurs découvrirent avec effroi que Fish avait été arrêté six fois dans la région de New York depuis la disparition de Gracie, pour vol, vagabondage ou envoi de lettres obscènes. Trois de ces arrestations avaient eu lieu sur une période de 3 mois après que Grace Budd ait été enlevée, mais, à chaque fois, les charges avaient été abandonnées.
En ce qui concernait les 3 autres arrestations, il avait été libéré après une courte incarcération ou une simple amende. Personne n’avait jamais pu deviner que le vieil homme était un tueur pervers.
Une version très édulcorée des aveux d’Albert Fish fut publiée dans les journaux. C’était une litanie de perversion et de dépravation indescriptibles qui semblaient inventées par un esprit pervers… jusqu’à ce que chaque détail soit corroboré. C’était d’autant plus incroyable quand on songe à quel point Fish paraissait décrépit et inoffensif.
L’une des rares personnes qui ne fut pas surprises par l’arrestation de Fish fut son propre fils, Albert Junior. « Ce vieux salaud… J’ai toujours su qu’il serait arrêté pour quelque chose dans ce genre-là ». Albert Junior concluait avec dégoût : « Je n’ai jamais rien voulu avoir à faire avec lui et je ne tendrai jamais la main pour l’aider ».
Les journaux inventèrent pour Fish des surnoms tous plus terrifiants les uns que les autres : L’ogre de « murder lodge » (le chalet du meurtre), le Vampire, le Barbe Bleue moderne, le Loup garou de Wisteria…
Albert Fish fut inculpé dans le comté de Westchester pour meurtre avec préméditation, et à Manhattan pour enlèvement.
Les journalistes l’interrogèrent alors sur d’autres disparitions d’enfants, notamment celle de Billy Gaffney, mais Fish leur répondit simplement : « Vous pouvez tout autant m’accuser de tous les meurtres. Vous ne pouvez pas me faire plus de mal ».
Les policiers, à leur tour, interrogèrent Fish sur la disparition du petit Billy et sur celle de Francis McDonell. Fish nia toute implication dans leurs meurtres.
Un enquêteur du comté de Nassau vint également l’interroger sur l’enlèvement et le meurtre de Mary O’Connor, 16 ans, dont le corps massacré avait été retrouvé dans un bois en février 1932. Fish nia encore.
Plusieurs personnes contactèrent les journaux ou la police pour leur parler de Fish :
- Mme Helen Karlson, une veuve mère de deux jeunes garçons, avait hébergé Fish et ses fils chez elle en 1927, à Brooklyn. Il s’était montré charmant, mais s’occupait un peu trop du plus jeune fils de Mme Karlson, qui avait alors 7 ans. Il lui avait proposé plusieurs fois de l’emmener au cinéma et elle avait toujours refusé. Fish s’était alors mis à glisser des lettres sous la porte de la chambre de Mme Karlson, des lettres au contenu des plus obscènes. Mme Karlson l’avait alors chassé et il avait réagi en l’insultant de la pire manière. La veuve avait par la suite trouvé des excréments dans la chambre et une planche cloutée ensanglantée dans son grenier.
- M. et Mme LaFurde expliquèrent que Fish avait tenté d’attirer leur fille avec des bonbons et des « images amusantes », à peine deux mois avant son arrestation.
- Mary Little raconta quant à elle qu’en 1928, alors qu’elle avait 5 ans, Fish l’avait saisi par la main dans un magasin de bonbons. Il l’avait tiré vers lui en lui demandant si elle était seule, et elle était parvenue à se libérer de l’emprise du vieil homme pour courir vers sa mère.
- Benjamin Eiseman expliqua aux enquêteurs qu’en juillet 1924, alors qu’il n’avait que 16 ans, il avait été accosté par un vieil homme moustachu. Ils avaient engagé la conversation et, apprenant qu’Eiseman avait travaillé comme peintre, le vieil homme lui avait proposé de l’aider sur un chantier de Staten Island. Eiseman avait accepté et l’avait accompagné en train. Arrivé à destination, près d’une cabane, l’homme lui avait demandé « d’attendre là pendant qu’il allait chercher ses outils ». Alors qu’Eiseman attendait, un homme noir s’était approché de lui pour lui conseiller de déguerpir. « Beaucoup de gamins sont venus ici et n’ont jamais été retrouvés ». Apeuré, Eiseman était reparti chez lui immédiatement. Il avait porté plainte — la police retrouva son dossier — et avait reconnu le vieil homme dans les journaux, même après tout ce temps : c’était Albert Fish.
Ainsi, malgré ses dénégations, Fish fut soupçonnés des meurtres d’autres enfants, notamment des fillettes de 5 à 7 ans, Barbara Wiles, Sadie Burroughs, Florence McDonnell et Helen Sterler, ainsi que du meurtre de Yetta Abramowitz, 12 ans, en mai 1927, pour lequel un homme noir, Lloyd Price, avait déjà été exécuté, bien qu’il ait juré de son innocence.
La police soupçonnait Fish d’autres meurtres, mais ne savait comment le prouver. Heureusement pour les enquêteurs, des témoins et des preuves allaient bientôt s’accumuler.
Le 19 décembre 1934, la police reçut une information capitale. Le chauffeur d’un tramway de Brooklyn, Joseph Meehan, avait vu la photo de Fish dans les journaux et s’était présenté afin de l’identifier l’identifier comme « le vieil homme nerveux » qu’il avait vu le 11 février 1927. L’homme tentait de calmer un petit garçon assis à côté de lui dans le tram. Le chauffeur les avait observés attentivement. Le petit garçon n’avait ni veste ni manteau malgré le froid. Il pleurait sans cesse, appelant sa mère, et le vieil homme avait dû le tirer hors du tramway pour l’en faire descendre.
Le petit garçon était Billy Gaffney. Le lieutenant Elmer Joseph, qui avait enquêté sur la disparition de Billy 7 ans plus tôt, conduisit Meehan en prison, où ce dernier identifia formellement Albert Fish.
Quelques jours plus tard, ce fut Hans Kiel, le père de Beatrice, que Fish avait tenté d’enlever en février 1924, qui vint l’identifier à New York. Fish nia avoir jamais rencontré M. Kiel.
Le 23 décembre, Beatrice Kiel et sa mère vinrent identifier Fish. C’était bien le vieil homme qui avait importuné Beatrice 10 ans plus tôt et lui avait demandé de l’accompagner dans un bois… où le corps de Francis McDonnell avait été retrouvé quelques jours plus tard, violenté et étranglé. « L’homme gris » avait enfin une identité. Fish fut inculpé du meurtre de Francis le 27 décembre.
La police découvrit ensuite que, lorsqu’Albert Fish avait été arrêté pour l’envoi de lettres obscènes en 1930, il travaillait comme « plongeur » dans un hôtel de Far Rockaway. La famille O’Connor vivait près de cet hôtel et Mary O’Connor, assassinée en 1932, s’y était rendue plusieurs fois en 1931, car elle s’était liée d’amitié avec la fille d’un couple séjournant dans l’hôtel. En 1932, au moment de la disparition de Mary, Fish peignait une maison à quelques centaines de mètres du bois où le corps de la jeune adolescente avait été retrouvé. Fish nia également le meurtre de Mary O’Connor.
Étant inculpé de plusieurs meurtres dans différents comtés, il existait peu de chance qu’Albert Fish échappe à la peine capitale. Sa seule chance d’être acquitté était d’être déclaré fou par un « aliéniste » ou un psychiatre médico-légal. Albert Fish fit des pieds et des mains pour que son avocat commis d’office soit remercié et remplacé par une « pointure » de l’époque : James Dempsey.
Lorsque Dempsey contacta le Docteur Fredric Wertham en février 1934, ce dernier était depuis 2 ans senior psychiatrist à l’Hôpital Bellevue (plus précisément « la Clinique d’Hygiène Mentale Bellevue ») et directeur d’un programme clinique révolutionnaire qui offrait une évaluation psychiatrique complète à tous les inculpés de la ville de New York.
Wertham rencontra Albert Fish 3 fois en prison et discuta plus de 12 heures avec lui. Il vérifia les dossiers médicaux et psychiatriques de Fish, interrogea sa famille et compara son cas à d’autres affaires plus anciennes. La Dr Wertham considérait la perversité sans précédent de Fish comme un cas unique dans les annales de la psychiatrie et de la criminologie : « Il n’est pas de perversion qu’il ne connaisse ni ne pratique ».
Le Dr Wertham décrivit dans son livre « The Show of violence » sa première entrevue avec Fish, dans sa cellule. Il fut surpris que Fish soit « humble, doux, bienveillant et poli ». « Si vous cherchiez quelqu’un en qui vos enfants puissent avoir confiance, il aurait été celui que vous auriez choisi ». Lorsque le Dr Wertham demanda à Fish s’il pensait être fou, ce dernier répondit : « Pas exactement… Je n’ai jamais pu me comprendre moi-même ».
Fish expliqua entre autres au Docteur Wertham qu’après avoir décapité Grace Budd, il avait récupéré son sang qui coulait dans un pot de peinture vide et avait voulu le boire. Mais il s’était étranglé avec le sang chaud et avait jeté le reste du sang par la fenêtre. Il avait ensuite découpé des morceaux de chair sur la petite fille, qu’il avait ramenés chez lui pour les faire cuire. Sur le chemin du retour, il avait posé les morceaux emballés dans du papier journal sur ses genoux, tout excité, et avait eu un orgasme. Une fois dans sa chambre, il avait découpé la chair en petits morceaux et avait cuisiné un ragoût avec des carottes et des oignons. Il avait mangé ce plat durant 9 jours, faisant durer son plaisir aussi longtemps que possible : il était dans un état d’excitation sexuelle constant et s’était masturbé en permanence.
Le 5 mars 1935, l’avocat James Dempsey contacta le procureur du comté de Westchester, Walter Ferris, en lui expliquant que Fish léguerait son corps à la science en tant que « cobaye humain » si on lui évitait la peine de mort. Selon Fish, « L’Humanité retirera un meilleur profit de l’étude de mon cerveau et de mon corps plutôt que de m’envoyer à la chaise électrique ». Le procureur, sachant ou ignorant que Fish éprouverait plus de plaisir que de douleur à être un « cobaye » pour des recherches médicales, refusa la proposition de Dempsey.
La veille de son procès, Fish récupéra un os de poulet de son déjeuner et l’aiguisa sur le sol en béton de sa cellule. Il l’utilisa ensuite pour se lacérer le torse et l’abdomen. L’un des gardes, entendant ce qu’il prenait pour des cris de douleur, se précipita vers la cellule de Fish et parvint à lui ôter l’os aiguisé des mains. Le soir, les journaux affirmèrent qu’Albert Fish avait tenté de se suicider. James Dempsey ou le Dr Wertham étaient sans doute les seuls à savoir qu’il avait simplement voulu se donner du plaisir.
Le procès d’Albert Fish pour le meurtre de Grace Budd commença le 11 mars 1935 à White Plains (état de New York). L’assistant du procureur Elbert Gallagher était chargé de l’accusation alors que Fish était défendu par l’avocat James Dempsey.
Ce dernier avait l’intention de s’en prendre à l’aliéniste de l’hôpital Bellevue qui avait observé Fish en 1930 et l’avait déclaré sain d’esprit. Il voulait également établir que Fish souffrait de la « colique du plomb », une pathologie dont souffraient les peintres et qui, selon Dempsey, aurait provoqué la démence de Fish.
La stratégie de Gallagher fut résumée dès le début du procès :
« Dans cette affaire, nous présumons que l’accusé est sain d’esprit. La preuve, brièvement, va être que l’accusé est légalement sain d’esprit et qu’il connaît la différence entre le bien et le mal, et la nature et la qualité de ses actes, qu’il n’est pas mentalement déficient, qu’il a une excellente mémoire pour un homme de son âge, qu’il sait très bien s’orienter dans ses environs immédiats, qu’il n’a aucune détérioration mentale, mais qu’il est sexuellement anormal, qu’il est connu médicalement comme un pervers sexuel ou psychopathe sexuel, que ses actes étaient anormaux, mais que lorsqu’il a enlevé cette fillette de sa maison en juin 1928, en se procurant pour cela des outils avec lesquels il l’a tuée, en l’amenant dans le comté de Westchester et dans une maison vide entourée par les bois, il savait qu’il était mal d’agir ainsi, et qu’il est légalement sain d’esprit et devrait répondre de ses actes ».
L’avocat de la défense, James Dempsey, se concentra quant à lui sur la « vie étrange » d’Albert Fish et notamment sur le fait qu’il se flagellait avec une pagaie cloutée et s’enfonçait des aiguilles dans le corps. Puis, il démontra les compétences paternelles de Fish et l’amour qu’il montrait pour ses enfants. « Malgré toutes ces inclinaisons brutales, criminelles et vicieuses, il existe un autre visage de l’accusé. Il a été un très bon père. Il n’a jamais de sa vie levé la main sur l’un de ses enfants. Il récite une prière avant chaque repas dans sa maison. En 1917, alors que le plus jeune de ses six enfants n’avait que 3 ans, son épouse l’a quitté. Et depuis ce jour jusqu’à peu avant le meurtre de Grace Budd en 1928, il a été un père et une mère pour ces enfants ».
James Dempsey clôt son exposé en rappelant aux jurés qu’il restait à l’accusation de prouver qu’un homme qui tue et mange des enfants est sain d’esprit.
Fish apparu complètement indifférent à son sort, durant tout le procès. Une seule fois, il déclara à son avocat qu’il désirait vivre, car « Dieu a encore du travail pour moi ».
Les parents de Grace et son frère Albert Junior témoignèrent. Dempsey voulut démontrer que les parents de Grace avaient tous deux donné leur accord pour que la petite se rendre à la soi-disant fête d’anniversaire avec Fish. Lorsque le père de Grace vint témoigner, il fut submergé par l’émotion au point qu’il fondit en larmes.
Le troisième jour du procès, malgré les protestations de la défense, une boîte contenant les ossements de Grace Budd fut amenée au tribunal en tant que preuve, afin que le detective King explique, d’après les aveux de Fish, comment la petite fille avait été assassinée.
Ensuite, le procureur Gallagher plongea la main dans la boite et sortit le petit crâne de la victime. Les jurés en furent épouvantés et James Dempsey réclama l’annulation du procès, sans résultat.
Dempsey se concentra ensuite sur le cannibalisme de Fish, le considérant comme l’argument principal dans sa volonté de prouver la folie de l’assassin. Il tenta d’établir que Fish avait mangé des parties du corps de Grace Budd, quelque chose qu’une personne saine d’esprit ne ferait assurément pas. Mais il ne parvint pas formellement à démontrer ni à prouver que Fish avait réellement dévoré la petite, et n’avait pas simplement divagué dans sa lettre.
James Dempsey appela à la barre plusieurs des enfants de Fish qui témoignèrent de son comportement bizarre : l’autoflagellation, l’enfoncement d’aiguille dans son aine, ses délires religieux… Ils affirmèrent également qu’il était un bon père qui s’était toujours occupé d’eux et ne les avait jamais frappés.
Dempsey appela ensuite à la barre Mary Nicholas, 17 ans, l’ex-belle-fille de Fish (il avait épousé sa mère pour quelques semaines en 1930). Elle expliqua que Fish lui avait appris, ainsi qu’à ses frères et sœurs, un jeu. « Il allait dans sa chambre et il avait un slip de bain qu’il enfilait. Il le mettait et puis il venait dans la salle à manger, et il se mettait à quatre pattes, et il avait un pinceau et il remuait la peinture avec. Il donnait le pinceau à l’un de nous et nous devions nous asseoir sur son dos, les uns après les autres, et puis nous levions nos doigts et il devait deviner combien de doigts nous levions et s’il devinait bien, ce qu’il ne faisait jamais, alors nous ne devions pas le frapper. Parfois, il proposait même plus de doigts que 10. Et s’il ne devinait pas bien, nous devions le frapper autant de fois que de doigts levés ».
Parfois, il utilisait une brosse à cheveux plutôt que le pinceau. Il avait également enfoncé des épingles sous ses ongles devant les enfants.
Le Dr Wertham, qui témoigna pour la défense, pensait que Fish était aliéné et non responsable de ses actes : « Je caractériserais sa personnalité comme introvertie et extrêmement infantile… J’ai souligné son processus mental anormal et sa maladie mentale, que j’ai diagnostiquée comme une psychose paranoïde… Parce que Fish souffrait de délire et, surtout, qu’il était tellement perdu sur les questions de châtiment, de pêché, d’expiation, de religion, de torture, de punition auto-infligée… Il avait une conception pervertie, distordue — si vous voulez “folle” — du bien et du mal. Selon lui, si cela avait été mal, il aurait été arrêté, arrêté, comme Abraham l’avait été par un ange ».
Wertham pensait que Fish avait tué au moins quinze enfants et en avait violé et/ou mutilé une centaine d’autres. « Ce chiffre a été vérifié plusieurs fois pour moi par les fonctionnaires de police dans les années suivantes ».
Deux autres « aliénistes », les docteurs Smith Ely Jelliffe et Henry A. Riley, témoignèrent également pour la défense que Fish était mentalement aliéné.
Selon le Dr Riley, Fish était « visité » par le Christ : il voyait son visage ou son corps, et le Christ lui parlait pour lui donner des messages particuliers. « Il m’a dit qu’il avait reçu l’ordre direct de prendre une vierge et de la sacrifier, afin qu’elle ne devienne pas une prostituée ». C’est la raison pour laquelle il aurait assassiné Grace Budd.
Le Dr Jelliffe confirma que le meurtre de Grace Budd avait pour Fish le caractère d’un rituel religieux. Il ajouta cependant un aveu que Fish lui avait fait, et qui contredisait en partie les précédents. Lors de ses déclarations à la police, Fish avait fermement nié toute dimension sexuelle au meurtre de Gracie. Mais il avait avoué à Jelliffe qu’en s’agenouillant sur la poitrine de la jeune fille et en l’étranglant, « il avait eu deux éjaculations. »
Les « aliénistes » de l’accusation témoignèrent que Fish était sain d’esprit. L’un de ces aliénistes, le Dr Menas Gregory, était l’ancien directeur de l’hôpital psychiatrique Bellevue où Fish avait été interné pour observation deux années après le meurtre de Gracie Budd et où il avait été jugé « inoffensif et sain d’esprit ».
James Dempsey décida évidemment de l’attaquer. Dempsey lui demanda s’il était habituel d’avoir « des anormalités sexuelles concernant l’urine et les excréments » et le Dr Gregory lui répondit que cela était « bien plus commun qu’il ne le pensait ». Pour lui, un homme qui buvait de l’urine ou mangeait des excréments n’était pas obligatoirement « malade mentalement », il pouvait être considéré comme « pas très bien », tout en étant « tout à fait correct socialement ». Le Dr Gregory ajouta que de très nombreuses personnes présentaient cette perversion. « Ce sont des gens qui ont très bien réussi dans la vie, des artistes à succès, d’excellents enseignants, des financiers à succès ».
Le Dr Perry Lichtenstein, qui avait été médecin résident dans la principale prison de New York durant près de 20 ans, témoigna également pour la défense. Mais Dempsey tenta de le récuser — sans succès — car il ne possédait aucune qualification ni formation en psychiatrie. Il avait acquis ses connaissances « sur le terrain », à travers ses « études personnelles des individus ». Dempsey attaqua le Dr Lichtenstein avec autant de véhémence que le Dr Gregory, mais le médecin resta impassible et insista sur le fait que « l’esprit de Fish était parfaitement sain et il savait ce qu’il faisait ».
Le Dr Charles Lambert expliqua quant à lui que, durant l’entrevue qu’il avait eue avec Fish durant 3 heures, ce dernier s’était montré « franc, amical et avait parlé librement de façon logique ». Fish lui avait avoué avoir violé « jusqu’à 25 ou 30 garçons et filles » chaque année.
Comme le Dr Wertham, Lambert pensait que Fish avait fait au moins 100 victimes. Il déclara lui aussi que Fish était sain d’esprit, le définissant comme une « personnalité psychopathique sans psychose ». Dempsey demanda au Dr Lambert : « Admettons que cet homme ait non seulement tué Grace Budd, mais ait également emmené sa chair avec lui. Diriez-vous que cet homme pourrait durant 9 jours manger cette chair et ne pas avoir une psychose ? »
Le Dr Lambert répondit : « Tous les goûts sont dans la nature, M. Dempsey. »
Dempsey persista : « Dites-moi dans combien de cas, selon votre expérience, avez-vous vu des gens qui mangeaient des excréments humains ? »
« Oh, je connais des personnes importantes dans notre société… l’un en particulier que tout le monde connait, qui les utilisait comme accompagnement dans sa salade », répondit négligemment le Dr Lambert.
Le procureur Gallagher interrogea à son tour le Dr Wertham, le pressant sur la capacité d’Albert Fish à distinguer le bien du mal. Il souligna le fait que Fish avait fait preuve de ruse en planifiant le meurtre de Grace puis dans ses tentatives de cacher son crime.
Dr Wertham, le pressant sur la capacité d’Albert Fish à distinguer le bien du mal. Il souligna le fait que Fish avait fait preuve de ruse en planifiant le meurtre de Grace puis dans ses tentatives de cacher son crime.
Le Dr Wertham répondit que Fish était fou, mais qu’il était loin d’être bête. Il était assez intelligent pour comprendre les conséquences de son crime et donc pour vouloir éviter l’arrestation. Mais il manquait à Fish « une certaine sympathie émotionnelle » qui lui aurait permis de comprendre que son crime était « moralement » mal.
« Cet homme est atteint d’une maladie mentale. Il est tellement embrouillé sur les questions de punition, de péché, d’expiation, de religion, de torture qu’il est bien en peine pour faire la différence entre le bien et le mal. En fait, il est encore pire que cela, parce qu’il a une perception pervertie et déformée, si vous voulez “aliénée”, du bien et du mal ».
Par la suite, le procureur Gallagher lut les confessions que Fish avait offertes, au Detective King, au capitaine John Stein (directeur du Bureau des Personnes disparues), au Procureur du comté de New York, Francis Marro, et au procureur de Westchester, Frank Coyne. James Dempsey objecta que ses 4 confessions différentes étaient « de nature préjudiciable » pour son client.
Dempsey n’était pas sans savoir que ses aveux seraient du plus mauvais effet sur sa théorie selon laquelle Albert Fish était fou. Il avait exprimé des remords plusieurs fois face au Capitaine Stein, affirmant qu’il aurait « donné sa vie pour la faire revenir », quelques minutes après avoir tué Grace Budd, mais avait également admis qu’il avait fait tout son possible pour éviter la police après le meurtre.
Et, alors que Gallagher décrivait l’horreur du crime avec les mots de Fish, ce dernier s’intéressa enfin à ce qui était dit, hocha la tête en souriant, et laissa même échapper quelques rires.
À la fin du procès, l’avocat et le procureur se livrèrent à un duel oratoire.
James Dempsey accusa la police d’avoir délibérément délibérément « amoindri la preuve de la folie de son client » en négligeant de lui parler de son cannibalisme. Selon l’avocat, les enquêteurs et le procureur savaient qu’ils avaient à faire à un fou, mais voulaient que Fish soit condamné à la peine capitale et avaient donc cherché à atténuer les faits les plus horribles.
Dempsey s’en prit également à l’hôpital psychiatrique Bellevue « pour avoir eu un tel homme en ses murs durant 3 ou 4 semaines » puis « l’avoir remis dans nos rues ». Dempsey s’en prit même aux parents de Grace, les accusant d’avoir « abandonné » leur enfant à un inconnu. Bien entendu, Dempsey répéta la question sur laquelle il avait bâti toute sa défense : comment un homme qui a passé sa vie à commettre de telles atrocités peut-il être sain d’esprit ?
Le procureur Gallagher, de son côté, reconnut que Fish était « sexuellement anormal », mais aussi qu’il était un « pervers sexuel rusé et calculateur » qui s’était « livré à des pratiques révoltantes sur des femmes et des enfants ». Gallagher réfuta totalement l’idée que Fish puisse souffrir d’une « maladie de l’esprit ». Il affirma que Fish avait menti en affirmant être guidé par un « commandement divin ». « Il n’a eu aucune hallucination divine ou ordre divin quand il acheté ce pot de crème ou ces outils pour mener à bien son abominable plan. Et quand il a envoyé le télégramme, il n’y avait pas de commandement divin. Et quand il est allé chez les Budd ce jour-là, il n’y avait pas commandement divin. Ne croyez en rien, Messieurs, à cette histoire de commandement divin. C’est simplement un écran de fumée ».
Selon Gallagher, chaque étape du crime commis par Fish démontrait « la préméditation et l’intention », dans le seul but de « satisfaire son propre plaisir sexuel. »
Les jurés se retirèrent et revinrent un peu plus de 4 heures plus tard avec un verdict, la culpabilité sans circonstance atténuante.
Fish n’était pas satisfait du verdict, il avait espéré être interné à Matteawan, un établissement psychiatrique pour les criminels aliénés. Mais, finalement, la perspective d’être électrocuté lui plut. Un journaliste du Daily News écrivit : « Ses yeux larmoyants brillèrent à la pensée d’être brûlé par une chaleur plus intense que les flammes dans lesquelles il avait souvent desséché sa chair pour assouvir sa concupiscence ». Par la suite, Fish remercia même le juge de le condamner à la mort par électrocution. Il expliqua que l’électrocution serait « le plaisir suprême de ma vie, le seul que je n’ai pas essayé ».
Quelques jours après sa condamnation, Fish avoua d’autres meurtres d’enfants.
Le 24 mars, il avoua avoir enlevé et assassiné Billy Gaffney en février 1927. Il avait déjà écrit une lettre où il détaillait le meurtre et l’avait confiée à James Dempsey.
« Je l’ai amené à la décharge de Riker Avenue. Il y a là une maison isolée. J’ai amené le garçon là. Je l’ai déshabillé et ai attaché ses mains et ses pieds et l’ai bâillonné avec un morceau de chiffon sale que j’avais pris dans la décharge.
Ensuite j’ai brûlé ses vêtements. Jeté ses chaussures dans la décharge. Puis je suis parti et j’ai pris le trolley à 14h et j’ai marché jusque chez moi. Le lendemain vers 14 h, j’ai pris des outils, et un lourd chat à neuf queues (un fouet à 9 lanières).
Fait maison. À manche court. J’ai coupé l’une de mes ceintures en deux, fendu ces moitiés en 6 bandes. J’ai fouetté ses fesses nues jusqu’à ce que du sang coule sur ses jambes. J’ai coupé ses oreilles, son nez, coupé sa bouche d’une oreille à l’autre.
Crevé ses yeux. Il était mort alors. J’ai alors planté le couteau dans son ventre et j’ai posé ma bouche sur son corps et j’ai bu son sang. J’ai ramassé 4 sacs de pommes de terre vides et des pierres. Puis je l’ai découpé. J’avais un sac de voyage avec moi.
J’ai mis son nez, ses oreilles et quelques morceaux de son ventre dans le sac. Puis, je l’ai coupé au milieu de son corps, juste en dessous du nombril. Ensuite à travers ses jambes quelques centimètres en dessous de ses fesses. J’ai mis ça dans mon sac de voyage avec beaucoup de papier journal. J’ai coupé sa tête, ses pieds, ses bras, ses mains et ses jambes en dessous des genoux.
J’ai mis ça dans les sacs à pommes de terre alourdis des pierres, je les ai fermés et jetés dans les mares d’eau vaseuse que vous voyez le long de la route qui va à North Beach.
Je suis revenu à la maison avec ma viande. Il y avait le devant de son corps que j’aimais le plus. Son “singe” et ses “noisettes” et un joli cul dodu à rôtir dans le four et à manger. J’ai fait un ragout avec ses oreilles, son nez, des morceaux de son visage et de son ventre. J’ai mis des oignons, des carottes, des navets, du céleri, du sel et du poivre. C’était bon.
Ensuite, j’ai séparé ses fesses en deux, j’ai coupé son “petit singe” et ses “noisettes” et je les ai lavés. J’ai mis des lamelles de bacon sur chaque fesse et je les ai mis au four. Ensuite j’ai pris 4 oignons et lorsque la viande a été rôtie pendant ¼ d’heure, j’ai versé un demi-verre d’eau pour la sauce et j’ai mis les oignons. À intervalles fréquents, j’ai arrosé de jus son derrière avec une cuillère en bois.Ainsi la viande serait bonne et juteuse. Au bout d’environ 2h, il était beau et brun, bien cuit. Je n’ai jamais mangé de dinde rôtie qui ait eu meilleur goût que ce doux petit cul dodu. J’en ai mangé durant 4 jours. Son petit “singe” était bon, mais je n’ai pas pu mâcher ses “noisettes”. Je les ai jetées dans les toilettes. »
Le même jour, Albert Fish admit également le meurtre de Francis McDonnel en 1924. Il expliqua qu’il avait attiré le jeune garçon dans les bois puis l’avait étranglé avec ses bretelles. Il allait démembrer le corps lorsqu’il avait entendu quelqu’un approcher et il s’était enfui.
James Dempsey fit plusieurs fois appel de la condamnation à mort, mais ils furent tous rejetés et, le 16 janvier 1936, Albert Fish fut exécuté sur la chaise électrique du pénitencier de Sing Sing. La légende dit que le premier choc électrique ne suffit pas à le tuer, car les épingles qu’il avait enfoncées dans son corps furent court-circuit. C’est faux. Fish mourut comme tous les autres lorsque les 3000 volts parcoururent son corps.
Victimes
Connues :
Soupçonnées :
Yetta Abramowitz, 12 ans, battue et étranglée le 14 mai 1927
Emil Aalling, 4 ans, assassiné le 13 juillet 1930
Mary Ellen O’Connor, 16 ans, assassinée le 15 février 1932
Benjamin Collings, 17 ans, assassiné le 15 décembre 1932
Personne ne sait combien de victimes Albert Fish a assassinées au total, mais la justice, la police et les psychiatres pensent qu’il a torturé et assassiné au moins 15 enfants.
Motivation
Selon les recherches du Dr Wertham, la famille d’Albert Fish a connu plusieurs cas de pathologies mentales : « Un oncle paternel souffrait d’une “psychose religieuse” et mourut dans un hôpital psychiatrique. Un demi-frère mourut lui aussi dans un hôpital psychiatrique. Un jeune frère était faible d’esprit et décéda d’hydrocéphalie. Sa mère était considérée comme «très étrange», elle entendait et voyait des choses. Un frère souffrait d’alcoolisme chronique. Une sœur avait une sorte «d’affliction mentale» ».
Le père de Fish était mentalement sain, mais il avait 75 ans lorsqu’Albert Fish est né et la seule chose dont ce dernier se souvenait au sujet de son père était le surnom que son géniteur lui avait donné : « Stick in the Mud. » (« Bâton dans la boue »)…
Selon le Dr Wertham, « Albert Fish datait ses premières « anomalies sexuelles» de l’orphelinat. Il m’a décrit de façon très intense que, dans ce lieu, non seulement les résidents commettaient toutes sortes d’actes sensuels les uns avec les autres, auxquels lui aussi participait, mais surtout, ces actes ont eu une énorme influence sur lui. Une sœur ou une enseignante avait l’habitude de fouetter les garçons, six à la fois, et de les faire se déshabiller, avec un garçon qui devait regarder ce qui arrivait aux autres. Et Fish se souvenait très bien d’avoir regardé les autres garçons être fouettés, et il se souvenait qu’avant l’âge de sept ans, il avait eu sa première sensation sexuelle. En étant fouetté et en voyant les autres garçons être fouettés et crier ».
Le Dr Wertham expliqua : « Le sadomasochisme dirigé contre les enfants, particulièrement les garçons, a pris les commandes dans son développement sexuel régressif ». Fish était pédophile. « Son intérêt sexuel premier ne s’orientait que vers les enfants de 5 à 15 ans ».
Fish dit au Dr Wertham : « J’ai toujours eu le désire d’infliger la douleur aux autres et de voir les autres m’infliger de la douleur. J’ai toujours semblé adorer tout ce qui fait mal. »
Fish confia au Dr Wertham que les enfants étaient ses proies depuis longtemps : il en a violé « au moins une centaine ». Il ne revenait jamais dans le même quartier. Il avait parfois perdu son emploi de peintre parce qu’il était soupçonné du meurtre d’un enfant.
Wertham écrivit : « Il pratiquait des expériences avec des excréments de toutes sortes, activement et passivement. Il prenait un morceau de coton, le saturait d’alcool, puis l’insérait dans son rectum et y mettait le feu. Il l’a également fait avec ses victimes. »
Les relations de Fish avec les femmes étaient elles aussi anormales. Il a pratiqué ces perversions sexuelles avec les 4 femmes qu’il a épousées. En fait, il les a choisies à cette fin précise. Il a épousé la mère de ses enfants alors qu’elle n’avait que 19 ans, après s’être assuré qu’elle était intéressée par ses « perversions », et ses relations avec elle étaient « anormales ».
Avant d’épouser ses 3 autres femmes, en 1930, il a vérifié, par des échanges de lettres, qu’elles accepteraient toutes ces « choses ».
Selon le Dr Wertham, Fish était incapable de ressentir « de l’amour pour toute personne mature. Il n’a jamais eu de sentiments d’amitié pour une personne mature ». « Je peux dire que je n’ai jamais vu un homme qui était intéressé à ce point par les désirs infantiles et puérils. Après tout, un enfant est cruel avec un insecte, et un enfant ne sait pas faire la différence entre un homme et une femme, et un enfant joue avec l’urine et les excréments sans savoir ce que cela signifie. Mais je n’ai jamais vu un homme faire toutes ces choses jusqu’à l’âge de 65 ans ».
Les lettres
Fish avait la compulsion d’écrire des lettres obscènes et le faisait fréquemment. Selon le Dr Wertham, « ce n’étaient pas des lettres obscènes typiques basées sur des fantasmes et des rêves éveillés destinés à produire une excitation par procuration. Il proposait de manière très graphique de pratiquer ses penchants avec les gens à qui il écrivait ».
Durant son incarcération dans l’attente de son procès, Fish écrivit de nombreuses lettres à ses enfants, ses avocats, ses gardiens, les enquêteurs… Il écrivit évidemment au Detective King, notamment pour lui expliquer qu’il s’était enfoncé des aiguilles dans le corps et qu’il s’était retrouvé à l’orphelinat à l’âge de 5 ans.
Fish écrivit de nombreuses lettres à tous ses enfants. Tous sauf Albert, qui avait osé le « dénoncer » aux journalistes et le « trainer dans la boue ». Fish demanda à ses 5 autres enfants de ne plus lui parler, de ne plus l’accueillir chez eux, de ne plus le considérer comme leur frère…
Dans ses lettres, Fish s’en prenait également à son épouse (ils n’ont jamais divorcé). Il accusait tout le monde sauf lui-même pour ses actes et leurs conséquences. Selon lui, la source de tous ses problèmes remontait à 1917, lorsque son épouse était partie avec un autre homme. Il ne se demanda jamais pourquoi elle l’avait quitté. Le fait qu’elle ait pu choisir de partir avec son amant parce que Fish était un criminel sexuel et un arnaqueur qui avait passé 18 mois en prison ne lui effleura jamais l’esprit.
Il écrivit à l’une de ses filles : « Tout ce que j’espère, tout ce pour quoi je veux vivre, c’est d’être capable d’aller au tribunal pour leur dire quelle salope de mère vous avez tous eue, le genre d’épouse que j’ai eu ». Il écrivit à son autre fille : « Dis à la vieille jambe de bois, ta pute de mère, que le jour où j’irai au tribunal pour témoigner sera un jour de regret pour elle ».
Pour Fish, l’un de ses fils était également à blâmer pour son arrestation et ses tourments en prison : John, dont Fish avait attendu le chèque chez Frieda Schneider. Il écrivit à John : « Je ne te blâme pas, mon fils, pour mes problèmes, mais si tu n’avais pas joint le CCC (Civilian Conservation Corp), je ne serais pas là. J’ai attendu ton chèque jusqu’au 13 décembre. Lorsque je suis allé le chercher au 200 E52, j’ai été arrêté ». John en parla à l’une de ses sœurs, Gertrude, qui gronda leur père. Fish lui répondit : « Je n’accuse pas le pauvre John pour ce que j’ai fait. J’ai seulement dit que s’il n’avait pas joint le CCC, il n’y aurait eu aucun chèque à aller chercher ».
Mais Fish continua toutefois à réclamer de l’argent à John. Il écrivit à l’un de ses autres fils, Gene, pour se plaindre du fait que John ne lui avait rien envoyé depuis son arrestation. Fish ne semblait pas réaliser qu’il avait été poursuivi et finalement arrêté par la police parce qu’il avait enlevé une petite fille, puis écrit une abominable lettre qui avait mené les policiers jusqu’à lui. En public, Fish exprimait des remords, mais en privé, son seul regret était d’avoir été arrêté « à cause de ce fichu chèque ».
Et pourtant, les enfants de Fish ne pouvaient pas se plaindre de lui. Il avait toujours été un père aimant pour eux. Il écrivit à ses filles, si pauvres qu’elles vivaient de l’aide publique, que s’il voulait l’argent de John, c’était pour le leur donner. Fish était un père étrange, mais dévoué à ses enfants, qui confirmèrent qu’il ne les avait jamais frappés ou malmenés, et qu’il avait toujours travaillé dur pour subvenir à leurs besoins. Ses filles considéraient ses habitudes de flagellations comme de simples excentricités.
Fish se souciait de la santé de sa fille Gertrude, malade du cœur, et écrivait de tendres lettres à sa petite fille Gloria… qui avait sensiblement le même âge que Grace Budd.
Toutefois, Albert Fish continuait d’envoyer des lettres obscènes et, notamment, à l’une de ses belles-filles, Mary Nichols, dont il avait épousé la mère (pour quelques mois, en 1930, bien que non divorcé). Il lui écrivit pour la remercier de son dernier courrier et la prévenir de faire attention à la neige glissante de l’hiver 1934-1935. Mais le reste de sa lettre lui annonçait que, pour fêter ses 18 ans, il aurait aimé être présent pour la frapper sur ses fesses nues… Il lui indiquait aussi qu’à New York, la piscine YMCA du West Side requérait soi-disant que les garçons se baignent nus et incitait Mary à s’y rendre pour les observer.
Des regrets ?
Les policiers remarquèrent la grande religiosité de Fish et lui demandèrent s’il éprouvait des remords. Il répondit qu’il savait que ce qu’il avait fait était mal et qu’il avait commis un crime. Fish affirma qu’il regrettait son crime (le meurtre de Grace Budd) et ne se souciait pas de mourir. Il demanda toutefois au Detective King s’il pourrait n’être inculpé que de l’enlèvement, puisque « s’il n’avait pas avoué, les policiers n’auraient rien pu prouver ». Et il demanda aux journalistes s’ils pensaient qu’il pourrait n’être inculpé que de « meurtre sans préméditation » ou s’il allait être condamné à la chaise électrique. Il affirma être fou : « Je suppose que je dois être cinglé… Oui, je dois être fou ».
Devant les journalistes, Fish tenta de minimiser ses crimes et son image monstrueuse, en expliquant qu’il n’avait « pas attaqué » Grace Budd (!), que sans sa bonne volonté de mener la police jusqu’au squelette, « ils n’auraient eu aucune preuve », « ils n’auraient pas trouvé le crâne et les os si je ne les leur avais pas montrés ».
Il nia également s’en être pris à d’autres enfants ou avoir mangé des parties du corps de Gracie. Sur ce dernier point, seul le Dr Wertham parvint à obtenir ses aveux.
Ses perversions
Albert Fish affirma au Detective King et au Dr Wertham, qui vinrent l’examiner en prison, que, pour se punir du meurtre de Grace Budd, il s’était enfoncé 5 aiguilles derrière les testicules, si profondément qu’elles étaient restées là.
Au départ, le Dr Wertham se demanda si Fish lui mentait, surtout lorsqu’il lui expliqua qu’il avait enfoncé des aiguilles dans son corps durant des années, dans la région située entre le rectum et le scrotum. « Il m’affirma l’avoir également fait à d’autres personnes, surtout des enfants. Au début, me dit-il, il avait juste planté ses aiguilles et les avait enlevées. Ensuite, il en avait enfoncé d’autres si profondément qu’il a été incapable de les enlever et elles sont restées là ».
On amena Fish à l’hôpital pour y être radiographié. Le radiologue qui développa la radio de la région pelvienne de Fish ne trouva pas 5 aiguilles, mais 27.
Le penchant qu’avait Fish pour l’insertion d’aiguilles dans son corps était dû, au moins en partie, à sa « manie religieuse ». Non seulement il obtenait un plaisir masochiste à se faire souffrir de la sorte (il atteignait systématiquement l’orgasme), mais « il le faisait en réponse à son idée selon laquelle Dieu voulait qu’il se punisse de manière à expier tous les péchés qu’il avait commis ».
Lorsqu’il était enfant, Fish afficha « un certain nombre de traits névrotiques précoces », y compris l’énurésie, dont il souffrit jusqu’à onze ans. Il était aussi très nerveux et démesurément « sensible ». « Je peux vous donner pour exemple qu’il a changé de prénom à l’adolescence, de Hamilton vers Albert, simplement parce que ses camarades de classe le taquinaient en l’appelant “Ham and Eggs” et il ne pouvait pas le supporter. »
Fish était également un sadique « d’une incroyable cruauté ». « Son esprit ne tendait qu’à une chose : provoquer la douleur chez quelqu’un d’autre. »
Selon son fils John, Albert Fish était un pyromane qui ressentait un plaisir « non naturel » à la vision, les sons et l’odeur des maisons en feu.
Le Dr Wertham a confié à James Dempsey une liste de 17 perversions ou paraphilies que Fish avait pratiquées toute sa vie, que l’avocat tenta d’utiliser lors de son appel pour prouver que Fish était fou. La liste, selon Dempsey, incluait « toutes les perversions connues et certaines inconnues auparavant »… dont le cannibalisme.
Le cannibalisme
« Il m’a dit que pendant une longue période, de très nombreuses années, il avait été intéressé par le cannibalisme », a expliqué le Dr Wertham. Fish a expliqué que son grand frère, qui était marin, était revenu à la maison « plein d’histoires sordides » qui avaient instillé « des pulsions irrésistibles » en lui.
« Il m’a dit qu’il avait lu avec grand plaisir toutes sortes d’histoires où cela était censé s’être produit. Par exemple, il a prétendu avoir lu que durant l’expédition Perry, ils avaient dû tuer trois marins et les manger sur le navire, il aurait lu ça dans les journaux. Il a lu d’autres aventures de ce genre, où les explorateurs en Afrique ou ailleurs avaient tué quelqu’un. Il a dit que son frère lui avait raconté des histoires, comment en Chine lors d’une famine des personnes avaient mangé de la chair humaine et que lui-même a été possédé par le désir de manger de la chair humaine. Il m’a affirmé avoir mangé la chair de Grace Budd. »
Wertham a décrit « l’excitation sexuelle absolue » que Fish avait ressentie en mangeant la petite fille. Mais, là aussi, l’obsession religieuse de Fish avait joué un rôle : Fish expliqua au Dr Wertham que, dans son esprit, le fait de boire le sang de Grace et d’avoir mangé sa chair avait été « associé à l’idée de la Sainte Communion ».
Au départ, Fish avait voulu s’en prendre à Edward Budd, car il préférait les garçons. Grace Budd était une fille, mais elle était prépubère, avec un corps enfantin, sans formes féminines. Fish expliqua que, lorsqu’il l’avait tuée, il l’avait considérée comme un jeune garçon (comme il l’avait mentionné lors de l’un de ses aveux). Citant Freud, Wertham expliqua que, en décapitant Grace, Fish avait effectué une castration symbolique. Le Dr Wertham fut ébahi lorsque Fish lui décrivit comment il avait mangé le corps du petit Billy Gaffney. « Son état d’esprit alors qu’il me décrivait ses choses en détail était un mélange particulier. Il parlait de manière terre-à-terre, comme une femme au foyer décrivant sa méthode favorite pour cuisiner un plat… Mais à certains moments, sa voix et l’expression de son visage trahissaient une sorte de satisfaction et une excitation extatique. Je me suis dit : “Quelle que soit la manière dont on définit les frontières légales et médicales de la santé mentale, ceci est certainement au-delà de cette frontière” ».
La religion
Le Dr Wertham considérait que Fish souffrait d’une « psychose religieuse ». Vers l’âge de 55 ans, Fish avait commencé à souffrir d’hallucinations et de délires. « Il avait des visions du Christ et de ses anges… Il commençait à s’absorber dans des spéculations religieuses sur le fait de se purger de ses torts et de ses péchés, l’expiation par la souffrance physique et l’autotorture, les sacrifices humains… Il récitait sans fin des citations de la Bible mélangées avec ses propres phrases, telles que : “Heureux celui qui prend les petits enfants et frappe leur crâne contre les pierres”. » Fish croyait que Dieu lui avait ordonné de torturer et de castrer les petits garçons. Il l’avait donc fait plus d’une fois.
Mode opératoire
Pour les viols des enfants :
Albert Fish emmenait toujours ses victimes au sous-sol ou à la cave des établissements où il travaillait, pour abuser d’eux sans être remarqué ou surpris. Il portait systématiquement sa combinaison de peintre, ce qui lui permettait non seulement d’être nu en un clin d’œil, mais qui « bernait » également ses jeunes victimes, qui ne le reconnaitraient pas dans la rue si elles le croisaient avec d’autres vêtements. Après avoir violé sa victime, Fish partait rapidement pour éviter d’être appréhendé, parfois dans un autre quartier, parfois dans une autre ville. Il attirait ses victimes avec des bonbons ou de l’argent de poche. Une fois dans les sous-sols, il les attachait, les violait, et les battait. Parfois, il les bâillonnait, « mais il préférait ne pas le faire, si les circonstances le permettaient, car il aimait entendre leurs cris. »
Pour les meurtres :
De la même manière que pour les viols, Fish attirait à lui ses victimes en leur proposant des bonbons, des images, de l’argent… Il profitait de la naïveté des enfants et de son apparence de « gentil grand-père » pour les amener à lui faire confiance et à le suivre.
Il emmenait ensuite ses victimes dans des endroits isolés : Francis dans un bois, Billy dans un terrain vague et Grace dans une maison abandonnée.
Fish utilisait des endroits qu’il avait « repérés » auparavant : il connaissait, par exemple, le comté de Westchester et le Wisteria Cottage depuis 1917, année durant laquelle il avait été engagé pour peindre une église Presbytérienne dans la région. Il a torturé les garçons avant de les tuer et a abandonné leur corps sur place. Il a étranglé Grace et a découpé son corps en deux avant de le transporter en dehors de la maison. Il a découpé des parties du corps de Billy et de Grace pour les manger, et l’aurait sûrement fait avec Francis s’il n’avait pas dû fuir.
Citations
« Je m’inquiète encore pour mes enfants. Vous penseriez qu’ils rendraient visite à leur vieux père en prison, mais ils ne l’ont pas fait. Peut-être n’ont-ils pas assez d’argent pour payer la course ». Albert Fish.
« Ça semblait convenable de la laisser partir (avec lui). Il avait l’air d’être un homme honnête » : Albert Budd.
« Je peux vous dire que cet homme a pratiqué toutes les anormalités sexuelles dont je n’ai jamais entendu parler. Non seulement il y pensait, non seulement il en rêvait, mais il les a pratiquées » : Dr Fredric Wertham
Bibliographie
« Deranged : The Shocking True Story of America’s Most Fiendish Killer », Harold Schechter, Pocket Books, 2009. Ce livre est disponible en français, d’occasion : « Un esprit dérangé : L’affaire Albert Fish »
« The Show of Violence », Dr Wertham, Doubleday, 1949.»
« Cannibal Killers: The History of Impossible Murders », Moira Martingale, Avalon Publishing Group, 1999.»
Les crimes de quelques cannibales célèbres, dont Albert Fish, Jeffrey Dahmer ou Andrei Chikatilo.
« Albert Fish In His Own Words: The Shocking Confessions of the Child Killing Cannibal », John Borowski, Waterfront Productions, 2014.»
Filmographie
« Albert Fish », John Borowski, Waterfront Productions, 2007.»
« The Gray Man », Scott Flynn, Ravenwolf, 2007.»